Louise - La neige
Datte: 13/10/2017,
Catégories:
fh,
inconnu,
froid,
Oral
... multipliés. Il a pris mon poignet pour mieux observer mon bracelet touareg en argent. Il a posé son doigt sur ma cicatrice pour en savoir l’origine. J’ai passé ma main sur sa joue pour voir si ça râpait… Il en vient à évoquer sa grand-mère, institutrice dans un village de montagne, une sorte de mère courage sévère et chaleureuse. — Elle m’a raconté plein de choses deux ans avant sa mort. Elle avait lu un livre sur les Inuits, qui s’appelaient Esquimaux à l’époque, et avait été frappée par une coutume consistant à se rouler tout nus dans la neige. Ça lui trottait tellement dans la tête qu’un soir d’hiver où mon grand-père n’était pas là, elle est sortie assez loin du village, elle s’est déshabillée en gardant (quand-même !) sa culotte et son soutien-gorge, et elle s’est roulée dans la neige au moins un quart d’heure. « Mon pauvre Bruno ! Si tu savais comme ça m’a fait du bien ! Mais ne le raconte à personne ! Je lui ai répondu que je le raconterais à tous les gens que j’aime bien !— Chiche !— Quoi, chiche ?— Eh bien, on se roule tout nus dans la neige ! Là, Bruno dégringole des hauteurs jurassiennes et réalise cette éventualité effrayante et attrayante : se rouler nu dans la poudreuse avec une nana (déjà) un peu givrée ! Il n’hésite pas longtemps. Moi, qui ai parlé un peu vite, je réalise aussi combien la situation devient intime… et drôle. On finit le repas et la bouteille de vin (qui n’est peut-être pas totalement innocente) très émoustillés, et on fait bien ronfler le ...
... poêle. Il y a les boutoilles dans le lit, de l’eau chaude pour nos petits petons et des couvertures chaudes pour nous recueillir. Je jette un œil dehors pour tâter le froid. C’est absolument glacial, avec un ciel complètement dégagé. On voit tellement d’étoiles qu’il est difficile de reconnaître les constellations. Aucune lumière extérieure, si ce n’est « l’obscure clarté qui tombe des étoiles », très réelle, très belle. En riant un peu nerveusement, on se déshabille presque pudiquement sous une couverture, et, courageuse, je la pose et bondis dehors. Je cours jusqu’à la pente avec Bruno sur les talons, et intrépide, je plonge et roule jusqu’en bas. L’impression est terrible et géniale. Je suis saisie par l’immense main violente de la neige qui me brûle, me gèle, révèle mon corps. J’accueille Bruno en lui balançant de la neige avec les mains et les pieds. Je remonte la pente en courant. J’attrape Bruno qui m’a rejointe. — Ensemble ! On s’enlace et on fait le tonneau, en riant comme des gosses. Le contact de nos peaux glacées est troublant, mais le désir est cristallisé. Malgré le froid qui commence à nous grignoter, on remonte et on recommence, bien plus serrés, beaucoup plus conscients de cette intimité charnelle. Mais les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures (et les moins longues, et je soupçonne la grand-mère d’avoir exagéré avec son quart d’heure), et on rentre vite s’emballer dans nos couvertures, dans la chaleur extraordinaire du refuge. Mes pieds, mes mains, ...