Saint Matthieu et l'ange
Datte: 27/09/2020,
Catégories:
fh,
hplusag,
religion,
Collègues / Travail
revede,
pénétratio,
... que j’aurais mieux fait de rester terrée dans ma bibliothèque. Frère Matthieu me rattrape à la sortie du cloître. — Frère Lionel a entendu parler des relevés de l’hôtellerie. Il était très intéressé pour vous accompagner, car il a une formation d’archéologue. Mes sourcils doivent se froncer, car ses yeux se lèvent vers le ciel et il a un sourire. — C’est frère Pacôme qui nous a dit que vous aviez besoin de faire des relevés sur le site de l’ancienne porterie. Nous marchons maintenant vers l’hôtellerie. Ainsi, frère Pacôme est au courant. Je croyais pourtant n’avoir évoqué le sujet qu’avec frère Maxence, en le croisant, un soir. Soit. Il est vrai que mes plans hypothétiques ont maintenant besoin d’être étayés par du concret. Après avoir établi des plans à partir des archives, j’ai besoin de prendre quelques mesures sur site, de me confronter au réel. De tous ces anciens bâtiments – porterie, hôtellerie – il ne reste que des ruines et quelques murs arasés. C’est un travail qui nécessite d’être au moins deux. — Et pourquoi est-ce qu’il ne m’accompagne pas ?— Il a fait vœu de silence ; il n’est pas à l’aise et il préfère que je vienne. J’ai la vague impression qu’il s’est dit qu’une telle expédition pourrait m’intéresser. Son sourire enjoué mal contenu plisse les rides qu’il a au-dessus des joues. En fait, frère Matthieu me fait penser à un grand chien en appartement. Il aurait besoin de courir toute la journée par monts et par vaux, et on le retient par une chaîne au collier. — ...
... Et est-ce que ça vous intéresse ? me hasardé-je.— Ce serait inopportun de montrer à quel point j’en suis excité. Aussi, je vais vous faire une réponse de moine : à moins que vous ne trouviez un retraitant de bonne volonté, je suis tout disponible pour porter votre théo… Théo ?— Théodolite, l’aidé-je.— Un objet sacré, sans nul doute, conclut-il avec un nouveau sourire. Ses yeux éclatent de bleu et ses dents sont étonnamment blanches. Il rayonne. —ooOoo— Le rendez-vous est fixé juste après « primes », le lendemain. Frère Matthieu a obtenu l’autorisation de l’abbé pour s’éloigner un poil de l’hôtellerie. C’est Mathilde qui s’en occupera, ce matin. Munie de ma carte IGN gribouillée, je grimpe dans la vieille Jeep estampillée aux couleurs du monastère. Frère Matthieu est au volant. Il porte ses vêtements habituels de moine et je trouve ça cocasse. Que ce soit pour jardiner, pour marcher, couper du bois, jouer les plombiers, vendre du pinard, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’enclos, ces gens-là sont toujours vêtus pareil : robe blanche, scapulaire noir. Un chapelet pendouille négligemment de sa poche. Il m’a toujours donné l’impression d’être un moine très peu à cheval sur la Règle. Mais très franc. Très croyant. Une espèce de foi pure, vierge de toutes ces courbettes dues à l’Église. — C’est à deux kilomètres à l’est ; il faut prendre la route qui mène à l’ermitage Saint-Joseph, annoncé-je d’emblée. Frère Matthieu ne semble pas mécontent de voir s’éloigner le monastère dans le ...