1. Compagnie solitaire


    Datte: 22/10/2020, Catégories: cérébral, Oral pénétratio, délire, sf,

    ... tandis que celle-ci la regarde disparaître, dynamique et fière trentenaire élancée, vers les portes dorées de l’ascenseur. Elle ne se retourne pas. D’une pirouette mentale à présent familière elle a, en quelques pas, chassé de ses pensées Émeline Delisle de Fresnay et tous les commensaux de cette interminable réception, plus tous les électrons qui gravitent autour d’elle du matin au soir, courtisant ses orbitales les plus improbables comme si elle était l’unique proton de l’espace. Elle a chassé les actionnaires, les clients, les fournisseurs, les commerciaux et les comptables. Elle les chasse chaque soir. La nuit, elle est seule. Il n’y a pas de taxi en bas. Il n’y en a jamais eu. Il est tard et la ville est éteinte. Chantal déconnecte son portable. Rentrer à pied prend dix minutes en coupant par le parc. Solitude pure et pleine lune originelle. Une brise d’été fraîchit déjà son col. Contemplant les rues vides, ouvertes devant elle, elle dégrafe un bouton pour laisser le vent frais la flatter librement et se met en route, tête haute et sourire aux lèvres. Elle se surprend à pavaner, caressant l’illusion de posséder la ville et d’en avoir chassé jusqu’au moindre occupant. Une ville pour elle seule. Car elle se sent enfin réellement toute seule. Pas ce vide vulgaire qui la tenaille au ventre quand elle réunit le Conseil, s’adresse à la presse ou visite ses usines où les ouvriers se taisent en la voyant venir cernée de chefaillons répandus en courbettes mais prêts à la ...
    ... trahir quand le vent tournera. Ni ce calme du soir, quand elle goûte au repos de son loft grandiose avec vue sur les quais. Cette solitude-là est pleine de souvenirs, de familier, de confort sur mesure conçu par elle et pour elle, pour ne pas se sentir… seule. — Sympa, ton appart, lui avait dit Didier, cet artiste qu’elle avait osé ramener chez elle un soir. On dirait un T2 avec sept pièces en plus. Il l’avait embrassée, puis prise, sur son divan de cuir qu’elle rêvait d’essayer. Elle avait joui comme… peut-être comme jamais. Comme il y a longtemps, en tout cas. Il y a longtemps… Ses claquements de talons résonnant dans la rue, Chantal s’engage en direction du parc. Elle sursaute soudain. Un vacarme de métal éclate à côté d’elle. Une boule hérissée s’élance des poubelles, qu’elle renverse, et détale en miaulant vers le fond d’une ruelle. Chantal recouvre son calme en deux respirations mais la sueur froide sur son échine a tendu toute sa chair en un réflexe de survie. D’un coup d’œil circulaire, elle inspecte la rue. Son cœur retrouve un peu un rythme raisonnable mais elle se sent moite. Le vent vient de tomber. Elle a besoin d’air. Elle marche face au vide, au milieu de la rue, les bras grand ouverts pour se rafraîchir. Elle se dit qu’on l’observe, que le raffut du chat aura réveillé quelqu’un qui lorgne à présent par sa fenêtre. Elle se fiche qu’on la voit. Elle est belle et puissante. Surtout, elle est seule et tout lui appartient ce soir. Elle déchante en arrivant au parc, ...
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