L'instant suspendu
Datte: 04/12/2020,
Catégories:
ff,
Collègues / Travail
taille,
intermast,
Oral
coupfoudr,
fplusag,
Lesbienne
... quatre-vingt-dix, et pour moi, ça a un côté reposant. L’entrée donne sur le salon, ouvert sur une cuisine américaine. Tout y est spacieux, confortable. Le mélange du bois, de l’acier, du cuir respire la finesse. — Et pour fêter ta venue, champagne ! dit-elle en jetant son sac dans l’entrée et en se dirigeant vers la cuisine. Elle pose deux flûtes sur le bar, le bouchon saute, rebondit sur le plafond et atterrit droit sur mon œil. — Ma chérie ! Je suis désolée ! dit-elle en accourant vers moi, les mains tendues vers mon œil que je cache avec mon poing. C’est que ça fait mal ! Elle inspecte mon œil rougi, je lui demande la salle de bains, pour mettre un peu d’eau. Elle va pour m’accompagner, mais je lui fais comprendre que j’aimerais y aller seule. Surprise ainsi, j’ai besoin de pleurer, et je ne voudrais pas qu’elle m’imagine si fragile. — Deuxième porte à gauche. Je prends le couloir, mi-furieuse de gâcher un instant pareil, mi-amusée de la situation, J’actionne la poignée, il fait sombre. Je cherche à tâtons l’interrupteur, et j’en trouve deux sous mes doigts. Aller, j’appuie sur le deuxième. Mais au lieu d’une salle de bain, une chambre. J’ai allumé des spots au-dessus du lit, qui éclairent un tableau. Apparemment, ce n’est pas la bonne pièce. Je pivote pour sortir, mais je m’arrête. Les tons de jaune ont attiré mon œil, et si un tel éclairage est installé, c’est bien pour qu’il soit vu. Je ne réfléchis pas trop, moi si timide quand il s’agit de pénétrer l’intimité de ...
... l’autre, je m’avance dans la pièce. Au-dessus du lit à baldaquin, cette toile murmure. Une femme enceinte est représentée de profil, des épaules aux cuisses. L’œil est attiré par la rondeur de son ventre, le jaune Naples si doux est d’une tendresse, d’un amour éclatant. Mélangé au blanc de l’innocence, de la pureté… Peut-être trop. Je ne sais pas, mais devant ce tableau qui célèbre la vie, j’ai la gorge nouée. J’entends Iris qui m’appelle mais je ne peux détacher mon regard de cette toile. La peinture me parle, mais je ne comprends pas bien ce qu’elle me dit. Les pas s’approchent dans le couloir, puis près de moi. Je veux articuler des excuses, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je sens sa main sur mon épaule. Des dizaines de questions se bousculent dans mon esprit, et je finis par en poser une : — Qui l’a peint ?— Moi, répondit-elle. Ça me fait encore plus mal. Sa main devient un poids mort sur moi, je m’étrangle. — À dix-sept ans. J’ai passé des mois à parfaire les courbes de cette femme, à peindre mon avenir. Ses mots sont encore plus lourds que sa main. Elle n’a pas d’enfant, elle n’est pas mariée. Je respire mal. Je voudrais qu’elle arrête. — Ensuite, plus rien n’existait. Je me foutais du monde. Tout pouvait s’arrêter, mon cœur de battre, une guerre éclater ou la paix revenir, la science avancer, rien n’aurait apaisé ma peine. Sa voix est grave, monocorde. La grande Iris semble un corps sans vie. Je n’ai pas l’habitude de sa douleur. Elle la connaît bien, combien d’années ...