Les Veilleurs (2)
Datte: 08/06/2021,
Catégories:
Hétéro
... cheveux taillés en brosse. Ça ne l’aida pas à réfléchir. Il leva son visage vers le ciel, reçut la pluie comme l’eau éjectée du pommeau de la douche, en version froide. ─ Mince, elle a dû prendre le raccourci par les quais. Elle est folle… Encore une fois, il s’élança. Il était bien échauffé ; il déroula sa foulée, et pour la maintenir régulière il se chanta un tube des Cranberries. Au bout de la jetée, le phare hésitait entre le côté obscur et celui de la lumière ; il projetait un rayon qui venait lécher les quais, puis il continuait son sentier lumineux vers la partie plaisance du port, caressant les voiliers rangés bien sagement. Du coin de l’œil, il aperçut une silhouette sur le ponton qui se découpait sur le trait du fanal. La chevelure qui dansait dans le vent l’identifia immédiatement. Il se demanda ce qu’elle pouvait bien foutre sur cette plateforme glissante : ce n’était pas vraiment le meilleur moment pour se promener parmi les bateaux. Il ne lui fallut que quelques secondes pour réaliser qu’elle n’était pas là pour flâner. ─ Non, Marina ! Ne fais pas ça ! hurla-t-il Mais dans tout ce vacarme, il n’y avait guère que le vent pour l’entendre, et il avait déjà emporté le son de sa voix. Par où devait-il passer pour la rejoindre ? Il ferma les yeux parce que, dans l’obscurité, c’était comme cela qu’il visualisait le mieux le trajet à effectuer. Il venait juste de passer devant un des accès, mais le suivant arrivait plus directement à l’endroit où elle se tenait. En tout ...
... cas, c’était ainsi dans ses souvenirs. Le bruit des drisses et des cordes qui tapaient contre les mâts rythmait maintenant sa course. Il se dit qu’il ferait peut-être mieux de ralentir : les planches mouillées risquaient de lui jouer un mauvais tour. Mais ce fut quand le bout de son pied heurta une planche inégale qu’il se sentit perdre l’équilibre. Il fit quelques moulinets avec les bras, comme si le vent si fort pouvait le redresser dans sa course inexorable vers le sol. En vain. Avec la vitesse, il fit quelques mètres supplémentaires en version otarie, et en fin de course sa tête heurta un taquet d’amarrage. Lorsqu’il se releva, il se demanda combien de temps il était resté au sol. Trop longtemps ? Il ne voyait plus la silhouette après laquelle il courait. Son cœur se mit à battre comme une grosse caisse. C’était vraiment trop con s’il échouait si près du but, sans avoir même eu l’occasion de la raisonner. Il chercha du regard dans tous les sens. Il avait encore l’espoir qu’elle ait changé d’avis, ou même qu’il se soit trompé sur ses intentions. Il ne voyait plus personne. Avait-elle sauté ? ─ MARINAAAAAA ! Aucune réponse. Mais le vent venait face à lui et entraînait derrière lui ses appels. Il continua vers l’endroit où il l’avait vue la pour la dernière fois. Il ne pouvait s’empêcher de regarder la surface agitée de l’eau. Non, il ne devait pas être pessimiste. Il ne pouvait se permettre d’être pessimiste. Mais son regard ne pouvait quitter la surface de l’eau. Était-ce ...