1. Les Veilleurs (2)


    Datte: 08/06/2021, Catégories: Hétéro

    ... un foulard qu’il distinguait dans l’écume ? Le rayon de lumière du phare barra à nouveau son champ de vision. Il la distinguait à peine, collée contre un des piliers-guides du ponton. Elle était trop proche du bord à son goût et regardait en contrebas. ─ Marina, je t’en prie, non ! Il n’y avait pas assez de lumière pour deviner si l’expression de son visage évoquait le soulagement d’avoir été retenue au dernier moment ou la colère d’être arrêtée avant d’accomplir son acte. ─ Laisse-moi. Ne viens pas me compliquer la tâche… ─ Je ne viens pas te la compliquer ; je veux tout simplement t’empêcher de faire une connerie ! ─ J’en ai fait plein, des conneries. Ce sera la dernière. À chaque phrase, il essayait de gagner invisiblement quelques centimètres sur la distance qui les séparait. Comme un lion qui se faufile en rampant derrière les touffes d’herbes pour s’approcher au plus près de sa proie. Sauf qu’il n’y avait ici pas de proie, ni de buissons derrière lesquels se cacher. Ou alors étaient-ce les phrases qui en faisaient office ? ─ Et si tu t’en tenais à la dernière que tu as faite ? Si on tirait un trait… ─ C’est justement ce que je m’apprêtais à faire : tirer un trait. J’ai foiré de tous les côtés. A qui manquerais-je ? Ça ne fera même pas deux lignes dans le journal local. ─ À ton avis, pourquoi suis-je ici ? ─ Parce que tu es un peu plus finaud que les autres. Et alors ? Veux-tu que l’on te décerne une médaille pour ça, Herman ? ─ Si c’est toi la médaille, pourquoi ...
    ... pas… ─ Tsss. Il ne parvint pas à définir si elle venait d’esquisser un sourire désabusé ou si la réponse lui avait déplu. Il avait encore gagné quelques centimètres ; elle se tenait à moins de deux mètres. Cependant, il entendait la faire venir à lui plutôt que se ruer sur elle pour la maîtriser. Il devait trouver les arguments pour la faire renoncer. A long terme, cela s’avèrerait plus efficace. ─ À quoi bon ? J’ai tout perdu. Mon ex a obtenu la garde des enfants, et il est parti vivre à l’autre bout du pays. Combien de jours pourrais-je les voir dans une année ? Je ne les verrai même pas grandir. Elle éclata en sanglots, se traita encore une fois de ratée. ─ Pourquoi ne me laisses-tu pas en finir ? ─ Parce que tu ne peux pas les abandonner ainsi. Même loin de toi, tes enfants auront toujours besoin de toi, de toi vivante. Ne pense pas à ce que tu as foiré ; imagine ce que tu peux réussir, quand bien même ce ne serait pas tout de suite. ─ Je n’y arriverai jamais ! ─ Seule, peut-être pas ; mais si tu veux bien de mon aide, je te l’apporterai volontiers. Car vois-tu, il n’y aurait pas que tes enfants qui supporteraient mal de te voir disparaître. Il y eut presque un moment de silence, comme si même le vent se taisait pour entendre ce qui se disait et réfléchir à la suite. Devait-il reprendre de plus belle et emporter ces paroles comme il en avait déjà tant emportées ? Bien sûr, la tempête ne s’était point arrêtée, mais elle s’était mise au diapason de celle qui faisait rage en ...
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