La reine des fourmis - Histoires de Sexe

La reine des fourmis

... son comportement mesuré, ce n’est pas elle qui a changé. Mais en quoi ? Toujours est-il qu’il sait qu’en sa présence, son assurance de séducteur soi-disant invincible va en prendre un coup, comme autrefois lorsqu’elle repoussait froidement ses avances. Il y a toujours eu en elle quelque chose qui l’impressionnait. Sa détermination de fer, son refus des compromis et des choses faciles. — À défaut de faire couler l’eau sous les ponts, on pourrait faire couler un peu de champagne ? Elle aperçoit la bouteille entamée et n’y voit pas d’inconvénient. Lui s’amuse de cette façon qu’elle a de poser précieusement ses lèvres sur le bord de la flûte en faisant un ô délicat avec sa bouche, comme autrefois lorsqu’elle consentait, rarement, à boire une pinte de bière dans une taverne. — Ça fait longtemps que tu picoles tout seul chez toi ? lui demande-t-elle d’un ton ironique.— Ça m’arrive rarement. Une fois par an. Toujours à la même date.— Tu veux dire que…— 40 berges. Merde, si l’eau pouvait s’arrêter de couler sous les ponts ! Elle lui sourit encore, les yeux un peu brillants, se lève et plaque sur ses joues deux gros baisers de vielle copine. — Pour tes 40 ans et pour me faire pardonner mon intrusion !— À bien y réfléchir, tu es la seule personne que j’accepterais dans mon antre en ce jour maudit.— Tiens donc, et pourquoi ça ?— Celles qu’on a pas eues sont toujours les bienvenues, même les jours de relâche. Il n’a pas pu s’empêcher de balancer cette connerie, et maintenant il observe ...

... sa réaction, conforme à ce qu’il redoutait : lèvres pincées, yeux levés au ciel, tête dodelinant de droite à gauche, enfin regard fixe et sévère accompagné de la phrase qui tue : — Tu t’imagines qu’avec cette vanne, je vais tomber dans tes bras ? Ne me dis pas que tu es devenu con ! Pan sur le bec ! Ça fait à peine dix minutes qu’elle est là et il a déjà réussi à se prendre un râteau. Il n’y a qu’avec elle que ça se passe comme ça, et le temps n’y change rien. La meilleure façon de se ressaisir, c’est de faire son mea culpa. — Excuse-moi, j’ai dit ça comme ça. Je trouve que tu es toujours aussi belle, voilà tout.— Après l’humour beauf, le joli cœur. Tu as combien de registres ?— Je cumule aujourd’hui ! C’est aussi ma fête, à ce que je vois. Elle rigole et il se rend compte, à cet instant, que cette façon de le provoquer, qui s’accorde mal à une simple visite de courtoisie, révèle un besoin de complicité et de confiance rétablie, propice aux confidences. Elle n’est pas passée devant son immeuble par hasard, il en désormais certain. D’ailleurs, elle a presque terminé son verre, elle qui mettait toujours un point d’honneur à rester sobre pour garder la tête froide. — J’aurais l’air d’abuser si je te resservais ?— Au contraire, ce serait très élégant de ta part. Message reçu. Elle a besoin de se détendre avant de s’épancher. Puisqu’elle ne veut pas de son épaule, ça sera un peu d’alcool. Un sourire un peu timide aux lèvres, elle le regarde, puis détourne les yeux, le regarde à ...