La prof
Datte: 19/07/2021,
Catégories:
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Les vocations se perdent, ou plutôt elles disparaissent. Quand je vois mes jeunes collègues prendre leur premier poste à la rentrée, je m’interroge sur leurs motivations profondes. Elles sont en général utilitaires : sécurité de l’emploi, vacances, et sentiment quand même de peut-être – exceptionnellement – servir un peu à quelque chose. Quand j’ai décidé de devenir enseignante, c’était une évidence de toujours. Dès mon plus jeune âge, mon sort était clair. Mes parents éprouvaient un infini respect pour les enseignants. Moi, je voulais être respectée. Tout le monde trouvait les enseignants autoritaires. Je voulais être aussi perçue de cette façon. On les disait intelligents, cultivés, ouverts sur le monde, et ça correspondait parfaitement à ce que je voulais vivre. Et puis je pensais que c’était bien payé, reconnu socialement, et utile aux élèves. Un choix évident et définitif. Prof de maths, j’ai un goût certain et très vif pour l’abstraction. C’est une compétence de base pour ma matière. L’emphase, pour être enseignant, est aussi une qualité essentielle. À mes débuts, ce fut un peu compliqué. J’avais été affectée dans un lycée un peu difficile et les élèves ont tout de suite voulu tester ma solidité. À 26 ans, ce n’est pas évident de montrer une quelconque autorité ; alors je punissais, j’excluais, et j’oubliais un peu trop pourquoi j’étais là. Il faut dire que les blagues graveleuses et bruits bizarres que m’imposaient les trublions pendant les cours avait le don de ...
... m’agacer. J’ai rencontré mon futur mari dans le milieu enseignant ; il venait d’être promu au poste de directeur du lycée où j’enseignais, et c’est à l’occasion de sa soirée d’intronisation que nous nous sommes rapprochés. C’était un enseignant dans l’âme, comme moi, un gars plein de bons principes, un gars à l’esprit vif et d’une grande culture. Il était aussi un peu froid et autoritaire, distant le plus souvent, mais fiable et solide. Grâce à lui, j’ai fait d’immenses progrès dans la maîtrise de mes classes difficiles et obtenu des résultats probants. Mes notations par l’académie ressemblaient enfin à quelque chose et les encouragements me faisaient chaud au cœur. Mais le plus valorisant pour moi, c’était quand un ancien élève me disait qu’il s’était mis à aimer les maths grâce à moi, qu’il avait bossé et persisté, et qu’il venait d’intégrer une grande école. À chaque fois, j’en pleurais de joie. Mon mari m’a encouragée à postuler dans un lycée d’élite, ce qu’on qualifie facilement de « boîte à bac », pour mettre mon talent (ce sont ses mots) à profit et aider encore plus d’élèves motivés à réussir. Cette perspective était fort intéressante pour moi. Évidemment, j’ai sauté sur l’occasion. Dès lors, et ça je n’y avais pas trop pensé avant, je me suis retrouvée dans les transports en commun 2 heures par jour. Une punition. Ce que j’avais perdu là, je l’ai retrouvé mille fois dans l’ambiance dans l’équipe pédagogique, et surtout dans la relation avec les élèves qui – bien que ...