Joyeux Noël
Datte: 20/08/2021,
Catégories:
fh,
froid,
fête,
conte,
délire,
humour,
Marie-Groseille sort de sa maison et tire la porte derrière elle. — Doux Jésus, qu’il fait froid ! Un temps à même pas mettre un canard dehors… La neige couvre la campagne alentour d’un manteau si épais et si uniformément blanc qu’on ne voit plus le chemin. Si elle n’avait possédé un sens inné de l’orientation, et si elle n’avait pris l’habitude d’aller toutes les semaines chez Mère-grand, c’est sûr, elle aurait choisi l’option « planquée au chaud sous la couette », Noël ou pas. Mais Marie-Groseille est une fille intrépide, au parler haut et clair, faite pour braver tous les dangers, voire pour les attirer. D’ailleurs, elle arbore en tout temps – spécialement les jours de visite chez Mère-grand – des vêtements écarlate dont l’utilité principale semble de se faire remarquer du plus loin qu’il est possible, surtout dans la partie du chemin qui traverse le bois, à l’ombre des frondaisons bruissantes de la brise matinale, où la lumière capturée dans une fine brume de rosée teinte d’un bleu tendre et brillant les lieux que la rumeur populaire peuple de monstres terrifiants. — J’t’en ficherais des montres terrifiants et des frondaisons bruissantes. En ce jour de Noël, Marie-Groseille est d’humeur joyeuse et insouciante. — Ben tiens. Marie-Groseille a revêtu ses bas rouge, ses jupes rouge, son surcot rouge, ses pantalons rouge, sa capeline rouge, ses gants rouge… — Je hais le rouge. C’est une idée de mes vieux. … et ses moon-boots vertes. — Y’avait plus ma taille en rouge. ...
... Marie-Groseille s’avance prudemment dans la neige sans cesser son charmant babil… haut et clair, comme on a précisé plus haut. — Le prénom aussi, c’est une idée de mes vieux. Canards de vieux ! Marie-Groseille porte un large panier. — Remarquez, ils auraient pu m’appeler Gertrude… Pour se protéger des quelques flocons qui voltigent dans l’air frais du matin, elle rabat son capuchon rouge bordé d’un blanc duvet de dinde : c’est elle-même qui a customisé sa capeline à l’aide d’un boa, tout exprès pour les fêtes, et elle en est très fière. Ça la change du chaperon ordinaire, c’est un peu comme si elle allait à une soirée chic. Dans le même ordre d’idée, elle s’est dit que Mère-grand devait en avoir assez de manger toutes les semaines son petit pot de beurre et sa galette. — Tu parles ! Elle doit en avoir ras-le-pompon ! Aussi a-t-elle décidé d’améliorer le concept : aujourd’hui, c’est foie gras et galette des rois. Certes, pour cette dernière, elle a un peu d’avance, mais elle adore tirer les rois. — Pourvu que la vieille ait pensé au champagne ! À force de l’avoir parcourue, Marie-Groseille connaît la route par cœur, elle sait que bientôt, après le village, elle traversera la forêt, qu’ensuite elle tournera à gauche, puis longera la petite marre aux canards, à côté du champ de Mère-grand, avant de parvenir à sa porte. Elle est très connue dans le pays. On l’a surnommée le Petit Chaperon Rouge et, bien que depuis longtemps elle ne soit plus une enfant, même pas petite, c’est resté. On ...