1. Joyeux Noël


    Datte: 20/08/2021, Catégories: fh, froid, fête, conte, délire, humour,

    ... peu sinueux. L’avantage de la neige, c’est qu’elle absorbe tous les sons dans une atmosphère cotonneuse et nous offre ainsi tout loisir de suivre Marie-Groseille sur la route sans interrompre ses douces récriminations. De loin, on perçoit un léger et constant bourdonnement qu’accompagne le frottement feutré des moon-boots dans la poudreuse. Les arbres de la forêt ont abandonné leur feuillage. L’hiver les couvre de son blanc manteau, accrochant aux branches noueuses et tordues des franges de glace qui capturent parfois les pâles rayons du soleil et jettent fugacement de brillants éclats. Silhouettes de géants figés dans leurs habits de givre. Marie-Groseille tend la main, attrape une stalactite à sa portée, et la glisse dans sa bouche. Sucer la glace est un petit plaisir qu’elle s’offre volontiers sur le chemin, qui lui paraît alors moins long. Elle profite mieux du paysage. Le froid intense commence par lui brûler la langue et les lèvres, puis, doucement, la glace fond et elle aspire à petits coups le liquide qui se forme. Parfois, elle aspire plus fort et la stalactite se colle à sa langue, refusant de s’en arracher. Elle attend alors que son souffle chaud fasse son œuvre : la pression se relâche progressivement et Marie-Groseille peut continuer à faire glisser la stalactite entre ses lèvres rougies. Jusqu’à la dernière goutte. Son humeur massacrante s’apaise. Son corps s’est défendu contre la vive morsure givrée en propageant dans tous ses membres une chaleur ...
    ... bienfaisante qui achève de la détendre complètement. Elle s’offre le luxe d’une deuxième glace, et savoure pleinement ce temps neigeux qui rend la campagne si belle et si calme ! C’est le sourire aux lèvres qu’elle arrive à l’entrée du jardin de Mère-grand. Elle n’a rencontré personne en chemin, aucune trace qui lui indique le passage d’autres êtres vivants, sauf ces deux traînées parallèles sur la route, devant le petit portail. Mais les flocons qui tombent en abondance, à présent, effacent ces traces-là. Marie-Groseille traverse le jardin, arrive à la porte. Tire la bobinette, la chevillette choit. Elle entre. À l’intérieur, il fait très bon. Un grand feu flamboie dans la cheminée. Devant, sur une table basse, du champagne et des petits fours ! Le grand fauteuil est tourné vers la cheminée. — Joyeux Noël, Mère-grand ! Elle se débarrasse de ses gants rouge, sa capeline rouge, son manteau rouge, ses pantalons rouge… — Joyeux Noël, mon enfant ! Marie-Groseille se fige un instant : la voix est drôlement grave. — Heu… Mère-grand ?— Eh bien, eh bien, ne fais pas ta timide, viens partager l’apéritif. Suave et chaleureuse. Aimable, en outre. Mère-grand a donc un invité. Pourvu qu’il reste pour le dessert et la galette des rois. Elle dépose son panier sur la table à manger et s’approche de la douce flambée. — Ah ! Elle recule de surprise, se prend les pieds dans les peaux de loups qui servent de tapis, perd l’équilibre, bat des mains, se rattrape comme elle peut et échoue dans les bras d’un ...
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