1. Le disque de Ruellan


    Datte: 08/12/2017, Catégories: sf,

    ... vois à peine à travers mes larmes, mais je l’entends qui me murmure : — Je t’aime. Je t’ai toujours aimée et je t’aimerai toujours, par-delà la mort. Je cligne des yeux. Je voudrais tellement lui dire la même chose… Les trouillotines se mettent en marche. Le principe est simple et affreux, produit d’un cerveau dérangé ayant le sexe et les femmes en horreur, sans doute ; les électrodes et les barres métalliques vont agir comme des aphrodisiaques puissance mille, et au moment de la petite mort, c’est la grande qui est délivrée ; mais au milieu de souffrances d’autant plus grandes que la jouissance aura été forte. Il est dit qu’une personne qui tiendrait dix minutes serait graciée. La légende a la vie dure : personne n’a pu tenir plus d’une minute. En face de moi, des gens venus assister au spectacle par milliers. Au premier rang des ados rigolent ; plusieurs d’entre eux tiennent un chronomètre à affichage digital. Quinze secondes. Trente secondes. Les sensations sont énormes. Je n’ai jamais connu ça ? Si, j’ai connu ça, et j’ai connu mieux. Toujours mieux avec ma Val. Je l’entends qui halète, et qui commence à crier « Non, non… » Puis son cri de jouissance. Un dernier « Claire ! » avant les cris d’horreur et de douleur. Puis plus rien. Une minute, une minute trente. Ça me chatouille. Oui, ça me chatouille.« Oh, putain, que c’est bon… » J’entends les gens qui commencent à parler entre eux. Deux minutes. Record battu, les gars. Mon ventre s’agite sans que je puisse rien ...
    ... contrôler. Mais que c’est bon ! Les électrodes effacent les souvenirs récents, que je ne puisse penser à ma Val. La puissance augmente, et pourtant c’est toujours elle que je vois en face de moi. Je ne vois plus les gens. Cinq minutes : c’est l’hystérie en bas dans la foule. Et je ne vois toujours que le visage de Val, à trente ans, une photo qu’elle avait réussi à me faire parvenir en secret, juste après notre reconditionnement. Sept minutes : Val à la piscine municipale. Huit minutes : Val nue pour la première fois devant moi.« Oh, c’est si bon, mon amour… J’ai l’impression d’être dans tes bras ! » Neuf minutes : Val, à l’hôpital, me disant « Prends le bonheur où il est, et garde le pour toi, rien que pour toi. Je suis là. » Le temps s’étire ; les secondes laissent le pas aux millisecondes, aux femtosecondes. Je jouis, longuement, infiniment, comme jamais. La machine s’emballe, elle ne peut suivre. Je devrais souffrir, mais toute à ma jouissance, la douleur s’ajoute et démultiplie encore les sensations. Le temps n’existe plus. Mes souvenirs sont toujours là. Par je ne sais quel miracle, je les ai gardés. Je suis dans mon bain. Le chalet. La montagne. Le bruit énorme de l’avalanche qui arrive. « Trop tard ; je suis revenue trop tard pour les sauver. » Le choc. Le froid. La baignoire qui tourne, tourne encore. La neige dans la bouche. Le choc de nouveau, la tête contre l’émail. « Ma mémoire, mes souvenirs… ils s’en vont. Mon passé va disparaître, le futur est resté. » 
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