1. Mon enfer (2)


    Datte: 06/01/2018, Catégories: Divers,

    ... sais, mais il s’est présenté un jour et nous a déclaré vouloir se rendre acquéreur de votre demeure si elle venait à se vendre. Alors mon père a pensé que ça resterait un peu dans votre famille… Du reste il a payé rubis sur l’ongle le prix demandé. — Eh bien ! Pour quelqu’un qui n’avait jamais un sou devant lui… C’est étrange… — Je ne saurais vous dire, je n’avais que dix-neuf ans à cette époque et je n’ai pas vraiment suivi votre histoire ! Elle concernait surtout mon père. — C’est bien ! Alors je vous remercie ! — Mais de rien, nous sommes à votre disposition pour tous renseignements… si vous avez besoin de… — Non ! Ça ira comme ça ! Claude a pris l’enveloppe, l’a glissé dans son sac et elle quitte le bureau de l’avocat. Dans sa tête cette information l’empoisonne. Pourquoi Alain l’ancien mari de Danièle sa belle-sœur a-t-il jugé bon de racheter sa maison ? Lui qui était toujours fauché ? Finalement, haussant les épaules, elle se dit qu’elle verra bien, qu’elle saura bien un jour ou l’autre… Ouvrir un compte en banque lui prend un peu de son temps. Mais pour l’instant c’est ce qu’elle a le plus… le temps ! Ensuite elle se rend dans une agence pour l’emploi. Il lui faut trouver du boulot. Ces démarches essentielles effectuées, il s’avère être l’heure du déjeuner. Mes pas me guident machinalement vers le restaurant ou j’ai fait la connaissance de Grégoire. Le bar devant lequel je m’installe est un repaire d’hommes âgés qui discutent bruyamment. Les verres s’entrechoquent au ...
    ... rythme des tournées qu’ils s’offrent à tour de rôle. J’ai un mal fou à me trouver une petite place pour loger mes soixante kilos. Un vieux se tourne vers moi, les yeux égrillards, un sourire édenté et me lance une vanne graveleuse. Je n’ai pas vraiment le cœur à sourire. Sans doute vexé que sa blague tourne court, il reprend sa conversation avec ses amis, sifflant son « petit jaune » avec une rapidité stupéfiante. Je bois lentement un diabolo grenadine, quand une main se pose sur mon épaule. Perdue dans mes pensées, je n’ai pas vu arriver celui qui soudain me sort de ma torpeur. Je suis là, sans vraiment y être. Je fais un bond qui ne doit pas passer inaperçu, sur le tabouret haut sur lequel je suis posée. Il est là ! Il me parait plus grand que dans son cabinet. Le fils de l’avocat a sur les lèvres un rictus qui s’affiche, pareil à un sourire ! — Vous prenez un verre avec moi ? Je lève mon godet à la couleur rose et pétillant de bulles. Il hausse les épaules, semblant ne pas saisir ce que je consomme. Ses yeux noisette s’incrustent un peu trop dans mon regard. Ils ne lâchent plus mes prunelles et c’est moi qui du coup, baisse la tête pour ne plus avoir à supporter ça. Je n’ai plus l’habitude d’être regardée de cette manière. C’est un peu comme s’il déshabillait mon âme, s’il entrait en moi et je ne sais plus résister à cette intrusion. Les anciens près de nous font un boucan terrible ! Ça rit, ça braille, ça crie, difficile dans ces conditions d’avoir une vraie conversation. ...
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