1. Mon enfer (2)


    Datte: 06/01/2018, Catégories: Divers,

    ... Je comprends enfin que par un signe, il me demande de le suivre. Je repose mon verre à demi vide et lève mes fesses du siège. Je me laisse guider vers une table au fond du restaurant, loin du bar et de son brouhaha. — Vous déjeunerez bien avec moi ? Vous êtes mon invitée ! — Je… je ne sais pas si je dois… — Allons ! Appelez-moi Gilles ! Pas de chichi entre nous ! Je suis certain que vous êtes une femme bien. J’ai si souvent entendu mon père parler de vous… Il est resté convaincu jusqu’au bout de votre innocence. — Il doit bien avoir été le seul dans ce cas… Une sorte de voile passe devant mes yeux et l’autre en face de moi qui, j’en suis sûre, s’en est rendu compte ne prononce plus une seule parole. Pourquoi cette envie de pleurer me monte-t-elle aux yeux ? Gilles garde son regard sur moi. Je dois avoir l’air d’une vraie godiche. Je ne vais pas encore m’apitoyer sur mon sort. Non, je veux tirer un trait sur le passé, revenir à une vie normale. Et ce n’est pas en chialant que je vais y parvenir. J’esquisse un sourire tout neuf, un sourire tout beau. Et lui prend cela pour lui. Il se redresse sur sa chaise. Finalement j’ose affronter son regard. Il a des yeux un peu en amande. Si j’ai bien compris ce matin, lors de notre première entrevue, il avait une vingtaine d’années lors de mon procès et il faut donc en ajouter six. Il n’a pas un âge aussi éloigné du mien finalement. Quoique… une bonne quinzaine de piges nous séparent. Pour me donner une contenance, j’ai pris le menu, me ...
    ... plongeant dans la lecture de tous ces plats dont j’ai oublié jusqu’à la saveur. Je ne sais pas pourquoi, mais il me semble que je respire un peu plus fort, un peu plus vite. J’ai beau essayer de calmer ce cœur qui bat, rien n’y fait. Mon unique jupe noire, celle que je porte en fait, est restée longtemps dans une valise. Le chemisier qui s’accorde par la teinte avec le bas est lui, tendu par des bouffées que je ne peux réprimer. Comme si l’air de mes poumons ne parvenait plus à en sortir. Et je sens sur moi, la brulure des yeux de Gilles. Mon corps s’emballe d’être si proche de ce garçon. Les caresses de la douche me renvoient elles aussi des ondes étranges qui commencent à me donner des coups de chaud. Je réalise soudain que je suis près d’un homme et que tout mon être réclame un peu d’amour. Je n’ai pas encore la sensation précise de ce qu’il veut, mais l’idée se fixe dans mon cerveau. Après ma si longue hibernation, c’est comme un printemps. Toute ma personne se remet en route et j’éprouve des envies oubliées, enfouies bien profondément, des besoins naturels qui refont surface. Je sais soudain que cet homme, devant moi, est le déclencheur de cet état de manque trop longuement entretenu par ma pénitence. Je ne le vois pas comme un homme, mais comme un sexe qui serait à ma disposition, comme une bite sur pied. Qu’il soit beau ou moche n’est plus qu’accessoire ! Du reste sa physionomie ne reflète rien pour moi, aucun intérêt dans une beauté ou une laideur toute relative. Je ...
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