Métamorphose
Datte: 18/06/2017,
Catégories:
nonéro,
humour,
sf,
... et d’aiguilles en bottes de foin, il en était arrivé à « ça » : traquer les erreurs de centimes, afin que les comptes tombent « juste ». Il était devenu « accordeur de factures », activité bien moins poétique que celle d’accordeur de piano… Or donc, Francis Pichon se réveilla, anticipant avec volupté les joies de ce week-end encore plein de promesses. Il l’avait d’ailleurs dignement attaqué, ce congé de fin de semaine, passant sa soirée et une partie de sa nuit à taper le carton. Le déroulement de ses vendredis soirs procédait d’un véritable rituel, organisé autour d’un événement aussi central qu’immuable : le tournoi de poker avec ses collègues de service. Mais attention : que des gens de bonne compagnie, hein, des comptables… La seule fois où ils avaient invité les gars du marketing, ils s’étaient fait plumer (c’est quand même un peu leur métier, le bluff). Il n’y aurait pas de seconde fois. Hier soir, leur tournoi habituel s’était tenu chez lui et avait été des plus animés : Paulo, débarqué depuis peu dans leur bande de joyeux drilles (enfin, joyeux…), avait tenu à fêter dignement son anniversaire. Ils avaient donc bu sans compter – un comble ! – au point que Pichon ne se rappelait plus clairement la façon dont s’étaient terminées leurs bacchanales. Aussi ne fut-il qu’à moitié surpris quand, en plein milieu d’un bâillement à s’en désarticuler les mâchoires, ses doigts rencontrèrent une épaisse tignasse bouclée, à la place de sa coupe en brosse millimétrique. — Ah, les ...
... cons ! Le coup de la perruque sur la tronche… Il commença par se marrer, jusqu’à ce qu’il se rende compte que ladite moumoute n’était pas simplement posée, mais carrément « fixée » sur son crâne. Là, c’était moins drôle ! Il tira d’un coup sec, mais ne réussit qu’à s’infliger une vive douleur, arrachant au passage une poignée de cheveux blonds.Bon Dieu, ça fait un mal de chien ! pensa-t-il, en accompagnant cette constatation alarmante d’une bordée de jurons. Afin de mieux évaluer la situation, il sauta de son lit et se précipita vers la salle de bain - son seul luxe dans ce deux-pièces spartiate. Au moment de se regarder dans la petite glace au-dessus du lavabo, Pichon vécut comme une sorte de dédoublement. Une sorte d’étranger avait inexplicablement pris sa place dans le miroir ! Il pensa tout d’abord qu’il était mal réveillé ; cet air extravagant devait venir de la perruque… — C’est pas possible, une gueule pareille ! Il porta la main à son visage. Dans le miroir, l’inconnu copia son mouvement à la perfection. Le picotement désagréable qui parcourait sa nuque se transforma soudain en un véritable frisson d’horreur quand ses doigts rencontrèrent des reliefs inconnus, à la place de la rassurante banalité de sa trogne de tous les jours ! Pichon sentit la folie le gagner, tandis que dans son esprit se répétait en boucle une phrase de dénégation survoltée : — C’est un cauchemar ! C’est un cauchemar ! C’est un cauch… Puis ce fut le noir. oooOOOooo Quand il reprit connaissance, la ...