1. Métamorphose


    Datte: 18/06/2017, Catégories: nonéro, humour, sf,

    ... première chose que Pichon éprouva fut un élancement brutal au niveau de l’arcade sourcilière gauche. Il porta une main à sa tête endolorie et tâta, en grimaçant de douleur, l’œuf de pigeon venant d’y éclore. Se relevant tant bien que mal, il jeta un coup d’œil inquiet à son front. Dans une symétrie parfaite, le drôle de type dans le miroir se pencha pour lui faire admirer un coquard magnifique… Brusquement, une pensée tarabiscotée frappa son intellect en déroute : se pouvait-il qu’il soit victime d’une amnésie fulgurante concernant son passé récent, durant lequel il aurait décidé de se faire refaire le portrait ? Pichon rejeta très vite cette hypothèse : cela ne tenait pas. Non pas tant à l’improbabilité d’une telle situation, mais surtout au fait que s’il s’était fait opérer, il n’aurait sûrement pas choisi cette tronche. C’était presque une blague, ce que reflétait son miroir irréfléchi : sous ce front d’intellectuel, encadré par une masse de cheveux blonds frisottés, prenait naissance un nez assez marqué, sorte de contrepoids ironique à un menton fuyant ; des yeux plissés, aux pattes d’oies rieuses achevaient le tableau… Francis Pichon avait à présent la même tête que cet acteur comique un peu décalé – comment s’appelait-il, déjà ? - Pierre Richard ! Oui, Pierre Richard, dans la version années quatre-vingts, c’était tout à fait ça ! Imaginez que vous entriez à l’hôpital pour une opération de chirurgie esthétique et qu’au moment précis de défaire les bandages, vous ...
    ... aperceviez l’image d’un visage parfaitement invraisemblable ! Le choc que Francis Pichon vivait était encore bien plus grand ; il n’avait jamais mis les pieds de sa vie dans une clinique, et encore moins pour une opération de ce genre… Pendant presque une minute, Pichon ne put rien faire d’autre que de regarder blanchir la jointure de ses doigts, soudés au rebord faïencé du lavabo aussi fortement que s’il se cramponnait à une arête rocheuse au-dessus d’un gouffre insondable. Du cœur de l’abîme s’élevait une voix tentatrice et insidieuse, l’incitant à lâcher prise sur le réel ; la voix de la folie elle-même. Est-ce qu’il devenait tout simplement dingue ? Après ces quelques instants à battre la campagne, Pichon releva avec précaution la tête, en espérant que l’hallucination – c’en était forcément une – avait cessé. Peine perdue ! Dans le miroir de son armoire à pharmacie, c’était encore Pierre Richard qui le dévisageait. Cette vision persistait à envahir son espace mental, ne donnant aucun signe d’affaiblissement. Il se rappelait avoir lu quelque part que ce genre de phénomènes pouvait être le symptôme d’une tumeur au cerveau. Cette pensée le terrifia. Il lui fallait une explication au plus vite, n’importe laquelle ferait l’affaire. Quelqu’un devait lui dire ce qui lui arrivait, sinon il allait péter les plombs pour de bon ! Pichon se rua sur le téléphone, composant d’un doigt tremblant le premier numéro pour les renseignements téléphoniques qui lui vint à l’esprit. Au bout d’une ...