1. La leçon


    Datte: 01/02/2018, Catégories: nonéro, historique, contes, initiatiq,

    ... faire pour vous être agréable ?— J’ai dit au garde ce que je désirais, et je ne souhaite pas le répéter, répondit l’autre du haut de sa monture.— Pardonnez ce garde stupide, s’il vous plaît. Il a su vous dire que le Maître ne recevait pas, mais il n’a pas eu la correction de vous expliquer pourquoi. Voyez-vous, le grand âge, la fatigue et le manque de pratique l’ont rendu impropre au maniement de l’arc. Aussi ne vous serait-il d’aucune utilité pour votre perfectionnement.— Alors ayez la bonté de lui remettre ceci, demanda Susheido, conciliant.— Bien volontiers. De quoi s’agit-il ?— D’une lettre dans laquelle il déclare que ma technique étant devenue supérieure à la sienne, il lui est devenu impossible de m’apprendre quoi que ce soit. J’attendrai sa réponse à l’auberge de la ville. Ayez l’amabilité de me la faire parvenir avant trois jours, s’il vous plaît. C’est un Takuan indigné qui se tenait devant son Maître, indigné parce que son Maître avait été insulté, mais aussi parce que depuis toujours il savait que cette réponse qu’il avait donnée sur ordre du vieux général était un mensonge. — Ne te mets pas en colère, lui dit calmement Eno.— Mais vous n’allez tout de même pas signer cette lettre ? Le général réfléchit longuement. — Il y a un an, répondit-il, j’aurais sans doute signé cette lettre. Rien n’était alors plus précieux que ma tranquillité qui me permettait de faire zazen et de t’enseigner. Aujourd’hui, sourit-il, tout cela n’a plus vraiment d’importance. Mon voyage est ...
    ... terminé.— Auriez-vous atteint le Satori, Maître Eno ?— La question n’est pas de savoir si on a atteint le Satori. La question est : est-on capable de le garder ?— Vous m’avez enseigné que plus on tente de garder une chose, plus cette chose nous échappe…— Je t’ai enseigné aussi qu’il fallait savoir lâcher prise. Peut-être est-il temps d’oublier ma tranquillité. Je ne signerai pas cette lettre. Réponds à ce jeune homme que, finalement, je l’attendrai dans trois jours à l’aube, à l’orée du bois. Je pense pouvoir lui apprendre quelque chose d’essentiel. Puis fais préparer mes affaires, je pars ce soir. Seul.— Mais, Maître, le temps est mauvais. Il va sans doute bientôt neiger.— Viens me chercher le soir du troisième jour à l’orée de ce bois. Amène un cheval. Sans doute en aurons-nous besoin pour rentrer.— Maître… C’était la première fois que Takuan osait s’opposer à la volonté de son mentor. Il avait du mal à trouver les mots. Et Maître Eno le regardait, calme et bienveillant comme toujours. Comment oser penser qu’un homme aussi sage puisse faire une erreur ? Comment ne pas l’offenser ? Takuan se rappela l’enseignement du Maître : « Pas de dieu, pas d’idole ; si tu rencontres le Bouddha, tue le Bouddha… » Alors il osa affronter son Maître. — Maître, je vous prie de pardonner mon insolence, mais je ne pense pas qu’il soit prudent de partir.— Tu as raison Takuan. Il n’est jamais prudent de partir. Mais il n’est pas plus prudent de rester.— La neige qui s’apprête à tomber…— Allons, ...