Impossible rencontre
Datte: 06/02/2018,
Catégories:
Collègues / Travail
caférestau,
nonéro,
sf,
Vous est-il déjà arrivé de regretter de ne pas avoir fait les bons choix, de n’avoir pas entrepris l’action correcte au moment opportun ? Et de vous être dit, après coup : « Ah, si j’avais su… » Bien sûr que cela vous est déjà arrivé, et maintes fois d’ailleurs, me direz-vous. Vous pourriez peut-être même ajouter une sage parole, comme par exemple : le passé est le passé, on ne peut pas le changer. C’est ce que je croyais aussi, comme le commun des mortels. Et je n’aurais pas cessé de le croire si une étrange expérience ne m’était arrivée, faisant vaciller mes certitudes comme une bourrasque arrachant son chapeau à un promeneur un peu trop sûr de lui. Vous ne me croyez pas ? Alors laissez-moi vous raconter mon histoire… Je m’appelle Franck Dumont et je suis ingénieur conseil dans une compagnie qui conçoit des barrages et des centrales hydroélectriques dans le monde entier. J’ai 29 ans, une vie agréable et plutôt rangée. Je fais partie des éternels sceptiques, ces gens qui ont la tête « bien sur les épaules », comme on dit. Pour moi, deux et deux feront toujours quatre, quoiqu’il arrive. Ma formation scientifique poussée et mon travail très technique, qui excluent toute fantaisie, n’ont fait que renforcer ce trait de ma personnalité. Depuis quelques semaines, j’étais accaparé par un très gros projet de barrage en Inde, devant aboutir au lancement d’un chantier énorme, dans la région de la Narbada, en amont du Gujarat. Nous étions toute une équipe à bosser là-dessus, passant ...
... nos journées à réviser les tracés de nos plans sur la base des derniers relevés topos, à en déduire toutes sortes d’équations pour vérifier la solidité de l’ouvrage. La résistance des matériaux est une science exacte, certes, mais il nous fallait intégrer absolument toutes les contraintes afin d’être certains de livrer au client une étude parfaitement aboutie. La réputation de notre société dans ce domaine n’était plus à faire, mais un élément particulier nous mettait à tous la pression : le peu de temps restant sur ce projet ! La boîte n’aurait jamais dû accepter de livrer dans des délais si courts… mais que voulez-vous, la montagne de fric à la clé de ce contrat, c’était bien sûr ça qui avait décidé le patron. Nous approchions de ladead line et on avait mis les bouchées doubles pour boucler à temps, bien qu’il ne restât pas une grosse marge de manœuvre pour augmenter encore la cadence. En dehors de quelques veinards mariés qui pouvaient invoquer le respect de leur vie de famille, nous autres célibataires passions à présent tout notre temps au bureau, mangeant et dormant sur place comme on pouvait ! On plaisantait souvent sur le gueuleton monstre qu’on ferait tous ensemble pour fêter la fin de ce calvaire. Mais je crois surtout que sans la prime de fin de projet, nous n’aurions peut-être pas mis tant de cœur à l’ouvrage… Cependant, à la fin, la fatigue était telle que même cette jolie petite somme ne suffisait plus à nous motiver. On était à la limite de l’abrutissement, et je ...