Impossible rencontre
Datte: 06/02/2018,
Catégories:
Collègues / Travail
caférestau,
nonéro,
sf,
... pense que c’était par pur automatisme que nous avancions encore. La dernière semaine, nous ne dormions plus que trois ou quatre heures par nuit, nous relayant les uns les autres pour nous réveiller après quelques trop brefs instants de repos. Le jour tant redouté de remise du projet arriva enfin, et bien que toute notre équipe ait attendu cet instant avec une impatience de plus en plus fébrile, ce fut un moment d’angoisse terrible. Les experts mandatés par notre commanditaire avaient planché toute la matinée sur notre travail avant de déclarer, finalement, que tout était parfait. Nous ne cachions pas notre joie ! Le patron ayant apporté de quoi sabrer dignement le champagne, nous avons alors fêté sans trop de modération la fin de notre labeur de forçat. J’atteignis un état d’ébriété euphorisant à une vitesse supersonique, à l’exemple de mes collègues. Magnanime, le boss nous accorda le reste de la semaine pour récupérer… ce qui en fait se réduisait à la seule après-midi de ce vendredi ! A la fois trop crevé et trop bourré pour rentrer cuver chez moi, je m’affalai comme une masse dans mon fauteuil, réglé à tâtons en position « détente ». Est-ce l’alcool ou bien la fatigue qui a déclenché l’étrange phénomène qui a suivi ? Je ne saurais le dire… Toujours est-il que j’entendis soudain une voix forte et claire m’appeler par mon prénom, au milieu de ce brouillard éthylique qu’on n’aurait pas pu, même de loin, qualifier de « sommeil ». Hébété, j’ouvris avec lenteur un œil, ...
... cherchant d’un regard trouble et voilé par l’abus de bibine le propriétaire de cette voix étrangement familière. Le bureau avait disparu ; mon environnement immédiat se réduisait à un univers cotonneux et blanchâtre, comme si je me trouvais plongé dans une espèce de brume luminescente. J’aperçus soudain un inconnu qui s’approchait, sa barbe drue éclairée par un sourire amusé. La cinquantaine au moins, il faisait à peu près ma taille, bien qu’un peu plus ramassé. Je devais avoir une expression franchement comique car il finit par laisser éclater un rire sonore. — Hé bien, tu ne me reconnais pas ? me lança t-il, avec un drôle de clin d’œil.— Non, pas du tout. Pourquoi ? Je devrais ? lui répondis-je, hagard, essayant de me persuader que j’étais encore en plein délire alcoolisé.— Ai-je donc tant changé, pour que tu ne saches pas qui je suis ! Ce doit être la barbe, je ne l’avais encore jamais laissée pousser dans les années 2000, marmonna-t-il pour lui-même.— Bon, je sais pas qui vous êtes, ni d’ailleurs ce que je fous là ! Vous êtes content ?— Franck, je crois que tu as un peu trop bu… Il me fixait toujours avec son petit sourire agaçant. Sa tronche m’était vaguement familière, comme celle d’une lointaine relation. Puis une soudaine évidence me sauta au visage : ce type me ressemblait, un peu comme un frangin plus âgé ; il aurait pu être mon aîné d’un bon quart de siècle, au moins ! Ça aurait pu être ça, sauf que je n’ai jamais eu ni frère, ni sœur. Il mit fin au suspens et ce qu’il me ...