1. Addicte (4)


    Datte: 11/02/2018, Catégories: Lesbienne

    « Mercredi 15 juillet, je viens de passer trois jours sans sortir, à retourner mille fois le problème dans ma tête. Qui suis-je ou plutôt que suis-je vraiment ? Une nana un peu étourdie de se trouver seule dans la capitale ou une petite lesbienne qui se ment à elle-même depuis des années ? Longtemps j’ai justifié ma préférence pour la compagnie féminine par la volonté de reconnaissance sociale. Était-ce de l’aveuglement ou le refus d’accepter une réalité dérangeante ? Deux expériences au lycée m’ont poussée aux limites du supportable en matière de sexe avec les garçons. Est-ce une raison suffisante pour remettre en cause des années de certitudes ? En fait, la plupart de mes convictions ont foutu le camp après le refus des parents de me voir intégrer une école de cinéma au lieu de la fac traditionnelle qu’ils avaient choisi avec soin. Si en plus je leur annonçais que j’aime les femmes, papa le prendrait comme un défi personnel. Ce désintérêt pour le sexe opposé s’expliquait simplement dans mon esprit à vif de jeune rebelle : l’amour n’était pas fait pour moi. Peut-être un jour serais-je tombée sur un mec qui m’aurait donné envie de mener une vie rangée de mère de famille, sinon tant pis. Je préférais concentrer mes efforts sur la réussite professionnelle. Les séances de masturbation quasi-quotidiennes suffisaient à me faire oublier la solitude, alors inutile de chercher la satisfaction ailleurs. Toutes ces années passées dans un monde rural refusant l’évolution de la société, ...
    ... il m’a fallu composer avec un univers hostile ; aussi à Paris j’ai baissé ma garde. Chantal et Agnès en observatrices attentives se sont-elles engouffrées dans la brèche avec mon accord tacite ? Mont-elles transformée ou ont-elles découvert ma nature sous le vernis de la petite provinciale égarée ? Mon attitude vis-à-vis de Juliette samedi était-elle un premier pas vers une acceptation logique ? La compréhension de l’orientation est bien entendu indispensable dans l’optique de me construire ; l’homosexualité ressemble à une formule de chimie complexe dont je connais quelques applications, aucun des fondements. On ne se lève pas un matin en disant « je suis gay » ou « je suis hétéro ». Notre seul choix est celui de s’assumer ou non, on a la chance de pouvoir le faire dans ce pays. Les nanas attirées par les mecs ne sont pas plus heureuses, ce serait trop simple, mais surtout injuste. Voici en résumé le triste constat d’une première semaine à Paris. Triste ? Peut-être pas tant que ça, les réponses paraissent évidentes quand on se pose les bonnes questions. Simone de Beauvoir a écrit dans le Deuxième Sexe en 1949 : « On ne nait pas femme, on le devient ». Et si l’heure était venue pour moi d’ouvrir les yeux sur ma personnalité, d’envisager un avenir hors des sentiers battus de l’hétérosexualité imposée comme la norme sociale par excellence ? Le microcosme vers lequel je tends irrémédiablement depuis quelques jours m’est inconnu ; néanmoins, la découverte du plaisir entraîne le ...
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