La petite vie de Many
Datte: 23/02/2018,
Catégories:
Voyeur / Exhib / Nudisme
nonéro,
mélo,
... orphelinat.— Je le pense. Il y en a un tout près, juste en face du musée.— Et dire qu’il y en a déjà tant ! Il faudra que je voie cet enfant. * * * Il fait froid. La petite Many grelotte, emmitouflée dans son fin manteau. Son mal ne s’est pas calmé, au contraire. Elle a de plus en plus sommeil, mais elle ne possède même plus assez de force pour se lever et retourner vers la chaleur de sa maison d’accueil. Néanmoins, elle se sent quelque peu réchauffée. Ce n’est pas par un feu quelconque, ce n’est pas par un habit ou une couverture. Ce qui la réchauffe, c’est la chaleur d’un regard, la chaleur d’un visage, le visage de la femme du tableau. Elle ne sait pas l’expliquer, mais elle se sent bien en compagnie de cette femme, de cette inconnue. Cela la réconforte. Elle la regarde, couchée sur son divan. Elle l’imagine en train de poser pour l’artiste. Que peut-elle bien penser ? Sait-elle seulement que, pour Many, elle paraît si jolie dans ce tableau ? Sait-elle seulement qu’une petite fille la regardera un jour, assise plusieurs heures durant en face de son portrait ? Non, elle ne peut le savoir. Elle ne peut pas la connaître. Elle ne peut même pas soupçonner son existence. Se rencontreront-elles un jour ? Many ne sait pas, mais il n’y a probablement que peu de chance, peu de chance qu’elles aient quelque chose en commun, quelque chose à partager. Pourtant, ce partage existe. Il est présent maintenant. Probablement qu’aucune des deux ne s’en rend vraiment compte, mais lorsque Many ...
... regarde cette femme sur la peinture, un échange a lieu, un échange bien loin de nos considérations matérielles, mais un échange au niveau du cœur, au niveau de l’âme. Depuis cet instant où Many a posé son regard sur elle, leurs destins ont été liés. Many sait que plus jamais elle ne pourra oublier l’image de ce tableau. Elle sait que, où que cette femme puisse bien se trouver, si jamais elle la rencontre, elle la reconnaîtra du premier coup d’œil et se jettera probablement dans ses bras, même si celle-ci s’en demande la raison, afin qu’elle aussi possède son propre souvenir de leur échange tacite mais bien réel. Many ne l’oubliera jamais et elle non plus n’oubliera jamais Many, car il doit bien exister quelque part un monde dans lequel une jeune femme aux cheveux blonds et bouclés, assise sur le sol d’un musée, contemple le portrait d’une petite fille aux cheveux d’or. * * * — Docteur Von Fürstenwerth ? Inspecteur Delacroix. Je vous ai téléphoné au sujet de la petite Many.— Ah oui, une bien triste histoire.— Je pense que vous suiviez cette petite depuis longtemps ?— À peu près depuis sa naissance, en fait. J’ai rapidement découvert qu’elle était porteuse du virus HIV. Elle était d’ores et déjà condamnée, le tout était de savoir combien de temps le virus allait mettre pour se développer.— Ce qui est arrivé récemment.— Oui, très récemment. Et à partir de ce moment-là, la moindre petite grippe peut devenir une menace.— Et dire que l’on n’y prend pas garde, à ces choses-là. Pas ...