Celui que tu ne verras jamais
Datte: 28/03/2018,
Catégories:
h,
fh,
cérébral,
revede,
Masturbation
nopéné,
mélo,
regrets,
... rallume. Nouvel arrivant. Démarche laborieuse, des protestations étouffées, des bruits sourds, et un débris de soixante-quinze ans à béquilles se hisse au prix d’efforts surhumains au premier palier, traînant un cabas écossais d’où dépasse une botte de poireaux. Il y a longtemps, c’était une ravissante jeune fille ; aujourd’hui, elle ressent dans sa chair le goût amer de l’irréversibilité. Il y a chez cette petite vieille une abnégation que j’admire : elle aurait mérité d’y passer lors de la précédente canicule. Cruelle, la vie a décidé de prolonger son agonie pour un temps indéterminé. Si elle en vient à tomber dans l’escalier, le plus grand service que je puisse lui rendre serait de ne pas lui porter secours. En présence d’autrui, on essaie toujours de sauver les apparences, mais chaque jour, invisible derrière ma porte, je vois le vrai visage de toute cette humanité qui a cessé de feindre. Et puis, j’entends la porte d’entrée qui claque, la minuterie qui s’allume, des bruits de talons, et mon cœur se met à battre joyeusement, mon visage s’illumine. Un pas léger gravit les escaliers, et, retenant mon souffle, l’œil collé au judas, je l’attends. Oublié, le cirque pathétique des voisins ; oublié, le vent qui souffle en rafales glacées au-dehors ; oubliés le passé honteux, le morne présent, le futur inexistant. Léa est là. Elle a vingt-cinq ans, peut-être trente ; sa silhouette fine et gracieuse danse devant mes yeux, rebondissant avec légèreté sur chaque marche avant ...
... d’atterrir sur le palier dans un entrechat final. Mais le plus beau, chez Léa, c’est avant tout son visage. Ovale, un regard d’émeraude surmontant un nez camus, des taches de rousseur mettant en valeur le teint pur de sa peau, quelques boucles châtain s’échappant de son chignon pour aller jouer avec la commissure de ses lèvres. Sa mâchoire est légèrement prognathe, mais ce petit défaut, loin de me rebuter, la rend plus réelle, plus humaine, plus désirable encore. Tandis qu’elle me tourne le dos pour déverrouiller sa porte, sise en face de la mienne, je contemple ses formes discrètes mais féminines, sublimées par l’étoffe du jean. Puis, après m’avoir gratifié de cette vision enchanteresse, elle disparaît dans son antre, me laissant seul, essoufflé, face à l’œilleton. Je déglutis avec difficulté. Désormais, c’est mon tour. Je sonne à sa porte. Elle m’ouvre, l’air surprise, mais au fond pas mécontente de me voir. Elle m’adresse un sourire désarmant, découvrant des petites fossettes au creux des joues, un sourire à faire fondre l’acier, à craqueler un pont. Sous ses lèvres jointes, une petite chaînette ceint son cou, posée à même sa peau, peau dont la blancheur est rehaussée par le tissu carmin de son corsage. Mon regard reste partagé entre la contemplation mystique de sa figure de déesse et celle, plus charnelle, du médaillon niché dans le creux de sa poitrine, agitée d’un mouvement sinusoïdal corrélé à sa respiration. Elle n’émet pas une protestation lorsque je l’attire contre moi et ...