1. Le jardin d'amour


    Datte: 03/04/2018, Catégories: fh, cérébral, revede,

    Je suis très en retard et je me presse à travers les salles et les couloirs, évitant de trop bousculer les visiteurs. Au bout de la galerie, je devine le groupe. Une petite trentaine de personnes peut-être, auxquels se joindront probablement quelques curieux qui n’ont pas payé. Ca y est, je t’entends… Déjà ta voix m’envoûte. Je m’approche et me glisse derrière les autres. — « … nous sommes plongés au cœur de ce jardin des délices, totalement clos dans un espace à deux dimensions. Tous les éléments sont réunis pour exprimer la volupté : une nature riante faite de fleurs, de plantes épanouies et d’oiseaux. On distingue aussi un panier de fruits sur la droite et une miche de pain au-dessus. Autant d’objets que l’on peut lire au sens premier mais qu’on peut aussi interpréter de façon plus symbolique… ». Un jardin des délices, totalement clos… Personne n’y pourrait nous voir, ni même nous deviner… — « … Observez la dame dans son bain, un bain qui est une fontaine, au centre de l’image. La dame semble attendre quelqu’un. Observez ses yeux qui se portent vers la gauche, à l’extérieur de l’image. C’est son regard et seulement son regard qui ouvre ce jardin vers l’extérieur, comme un chemin imaginaire ». Ni toi ni moi n’ouvririons de chemin. Nous serions condamnés dans ce jardin jusqu’à notre bon vouloir. Et je t’écouterais me parler, j’écouterais ta voix, ta voix onctueuse, moelleuse, veloutée, tour à tour caressante puis fébrile. J’écouterais comme quelqu’un qui ne te vois pas mais ...
    ... qui te respire, t’inhale et t’absorbe. — « … elle est nue. Une nudité très sensuelle qui s’exprime à la fois dans la grâce de son mouvement de bras et dans les couleurs chatoyantes de son corps. Son regard je disais à l’instant, ouvre le seul accès à ce jardin. On devine qu’elle attend quelqu’un, qu’elle le voit arriver même peut-être. Le sourire qui se dessine sur ses lèvres, comme un signe de joie, nous indique qu’elle le voit ou que son arrivée est imminente. Il s’agit probablement de son amant». Son amant… Tu ne t’es pas troublée en prononçant ce mot. Et s’il était ton amant, cela te troublerait-il davantage ? J’ai envie de m’approcher plus près mais la salle n’est pas large on dirait et il y a beaucoup de monde. Alors j’oublie le parfum lourd de ma voisine, les bruits trop forts des voix et des pas que le couloir derrière moi renvoie à mes oreilles et je reste concentré sur les seules choses qui m’importent ici : toi, toi et tes mots. — « … regardez maintenant les deux petits personnages au bas de l’image. Ce sont des figures allégoriques de l’amour. Ce qui n’était jusqu’à maintenant que présomption -la nudité, le regard- se trouve confirmé par ces deux personnages : la dame au bain attend bien son amoureux. Le garçon à gauche taille une branche avec un couteau. C’est le symbole de l’amour naissant, brut, brutal comme le bois de l’arbre et qui s’affine, se modèle, se façonne, se construit sous la coupe habile du garçon, comme l’amour qui mûrit ». Tu sembles si à l’aise ...
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