1. Une dernière photo pour la route (Épilogue)


    Datte: 10/04/2018, Catégories: fh, amour, mélo,

    ... flics, l’ambulance, la femme en pleine crise de nerfs à côté de son véhicule, peau trop bronzée, bijoux trop voyants, traces prématurées de Botox, elle s’en remettra. Vite. Au pire, son trader de mari lui offrira un stage d’initiation aux accords toltèques ou les services d’uncooooaaach personnel, ce qui ne lui laissera lui-même que davantage d’occasions bien commodes pour troncher sa maîtresse. Non, quittons ce lieu bien trivial. Ne me demandez surtout pas quel miracle me permet de conserver une telle vision post-mortem, je l’ignore. Je constate simplement que mon œil voit, capte tout, comme s’il était resté rivé au viseur de mon boîtier reflex. Mieux, à défaut du son, je suis capable de tout lire et ressentir dans ces images traversant mon révélateur : les pensées, les sentiments, les émotions, les peurs et les joies, les remords et les désirs. Voyez l’image suivante, celle de ma cérémonie funéraire. Au premier rang, serrés l’un contre l’autre, Muriel et Madame, Virgile et Monsieur, mes veuves et orphelins, mes amours. Très émus. Très dignes. Virgile a organisé mes funérailles avec goût, et donc avec tendresse. L’église était exclue, mais il n’a pas voulu de la salle de réunion du crématorium, de son décor en pastiche de temple, de ses hommages chronométrés ni de ses files d’attente, comme si le dernier voyage se faisait avec Ryanair. Il a obtenu le droit de tenir réunion dans le grand hall du Musée de la photographie, dont les portes ont été ouvertes à tous ceux qui ...
    ... voulaient se joindre au deuil. Ils sont si nombreux, peut-être n’ai-je finalement pas été un si mauvais bougre. Au troisième rang, je reconnais la silhouette de Jonas, qui a fait tout spécialement le voyage depuis Dubaï. Sa femme est à ses côtés, elle est anglaise, blonde, elle s’accroche à son bras. Elle l’aime, ce qui pour elle revient à le posséder. Rien ne le laisse apparaître, mais je devine pourtant qu’elle porte déjà l’embryon de leur premier enfant. Je leur souhaite bon voyage. Je ne peux pourtant m’empêcher de craindre qu’ils ne fassent fausse route, exposant peu à peu leur passion au poison du confort. Combien de temps avant que la jeune épouse ne ressemble à la conductrice du 4x4 ? Déjà, leurs images se superposent. Jonas est nerveux. C’est à elle qu’il pense, bien sûr. Il se retourne sans cesse. Il la cherche en espérant la voir. Il baisse aussitôt la tête en priant pour son absence. Il revit exactement l’expérience qu’il connut voici huit ans, au studio, la première fois qu’il l’aperçut, déchiré entre l’impérieuse nécessité de voler un éclat fugace de sa pure nudité, et l’effroi que cette vision puisse le changer en statue de sel. Jonas qui s’imaginait que j’ignorais leur liaison. Elle n’avait pas cette naïveté. Voilà que s’imprime à nouveau sur ma rétine cette vision d’autrefois. Je me promène seul, la nuit, dans les dunes argentines battues par le vent, perdu dans mes pensées. Je l’aperçois dévaler les escaliers menant à la plage, il la suit. Elle se déshabille, elle ...