Voiture 3, dans le sens de la marche
Datte: 03/05/2018,
Catégories:
fh,
hplusag,
hotel,
train,
amour,
revede,
pénétratio,
mélo,
regrets,
... sembler heureuse.— Pauvre femme.— Pauvre femme oui, qui s’est éteinte flétrie, après n’avoir point vécu. Ma tristesse vient un peu de là, de la sienne, de son absence de vie. J’aurais voulu l’aider à être heureuse, la faire sortir de son malheur, mais je n’en ai même pas eu l’idée tellement j’étais égoïste.— Vous n’y êtes pour rien.— Ma grand-mère m’a forgé une éducation extrêmement austère. Elle avait des projets pour moi, et je devais les réaliser. Atteindre ses buts, vivre la vie qu’elle voulait pour moi. Elle a survécu à sa fille et à son mari. Jusqu’à sa mort elle a dirigé ma vie. Ce n’est que dans ses derniers jours qu’elle a réalisé qu’elle n’avait rien réussi de sa vie, qu’elle m’a parlé, qu’elle a tenté de me sauver des tourments que je vivais sans bien savoir pourquoi. Mais c’était trop tard.— Comme c’est triste.— J’ai épousé une amie de la famille, un mariage arrangé, un mariage pour l’honneur et la perpétuation de la race. Sa race.— Vous épouse est au courant de tout ça ?— Elle l’est oui. Et sa vie n’est pas plus belle que la mienne. Elle aussi a été contrainte de réaliser les projets de sa famille. Elle savait que nous nous mariions que pour les intérêts de nos familles, et pensait qu’il n’était pas nécessaire que nous nous aimions, que ça viendrait avec le temps, qu’il valait mieux un mariage arrangé sur des bases solides et durables qu’un mariage de passion, car la passion ne dure qu’un temps.— Ce n’est pas totalement insensé.— Vous avez raison. Mais une vie ...
... sans passion, c’est vide de sens.— Vous avez des enfants ?— Deux oui. Des enfants formidables. Nous aurions été malheureux tous les deux, mais nos enfants ont une belle vie. Ils sont autonomes, épanouis, et amoureux tous les deux. Leurs sourires et leurs rires sont mon carburant. C’est celui de Myriam aussi. Nous partageons ça. Nous ne nous aimons pas d’amour, mais nous avons le même amour fou pour nos enfants. Il n’y a que quand je pense à eux que la tristesse me quitte.— Vous êtes un homme bien. Vous méritez d’être heureux.— C’est gentil, mais c’est trop tard. Et vous ? Avez-vous une belle vie ? Cet homme que je ne connaissais pas venait de me faire des confidences très déstabilisantes. J’en avais presque pleuré. Et si tous ces gens que je croise chaque jour avaient eux-aussi des vies minables et tristes ? On passe sa vie à croiser des inconnus qu’on ignore, mais chacun d’entre eux est plein de richesses insoupçonnées, de sentiments nobles, de ressources infinies pour peu qu’on les cherche. Même nos agresseurs ont une histoire. Ils ne sont pas arrivés là par hasard. Ce sont leurs histoires qui les ont réunis dans la voyoucratie. Si seulement on prenait le temps de se parler… Ernesto me proposait maintenant de me confier à lui. Je suis restée silencieuse un instant, émue de pouvoir confier à une oreille amie le malheur profond qui me hantait moi aussi. — Ma vie n’est guère plus belle que la vôtre, et sans doute plus banale.— Si vous voulez m’en parler, je vous écoute. Si vous ...