1. Les deux veuves


    Datte: 20/07/2017, Catégories: f, fh, fhh, hplusag, fplusag, couple, extracon, collection, amour, volupté, cérébral, revede, Voyeur / Exhib / Nudisme init,

    En ces temps de Toussaint, les visites dans ces endroits souvent lugubres que sont les cimetières peuvent prendre des tournures inattendues. Perdu dans une haute vallée des Alpes, un petit village, un hameau, se niche sur un éperon rocheux et domine d’un immense à-pic une sombre vallée étroite. Au bout de ce promontoire, qui tient plus par « l’opération du saint-Esprit » que par la géologie locale, a été implanté le cimetière. Oh, un tout petit cimetière. Il ne doit pas avoir plus de quinze ou vingt tombes… Et en cette période où les vivants pensent « officiellement » à leurs chers défunts, toutes les tombes sont fleuries. C’est là que je promenais mon ennui bucolique d’une fin d’après-midi automnale, seul lieu où les derniers rayons de soleil venaient chauffer les pierres tombales. Au bout du minuscule arpent clos, consacré à recueillir les âmes locales, deux silhouettes noires étaient prostrées devant une tombe au tumulus fraîchement constitué. Sur celui-ci, un parterre de fleurs gaillardes qui pointaient leurs têtes multicolores dans le feu du soleil couchant. Bien qu’en général je sois de nature discrète, et encore plus en ce qui concerne tous les rites liés au chagrin, je ne pouvais m’empêcher d’avancer vers ces deux femmes. Leur silence, la dignité de leur stature m’attiraient irrésistiblement. On aurait dit deux nonnes tout de noir vêtues. D’immenses voiles de crêpe les couvraient de pied en cap. Les jupes étaient noires. Les bas et les chaussures étaient noirs. ...
    ... Elles restaient côte à côte, statufiées par la douleur. Mes pas, sur le gravillon, devaient s’entendre à des lieues à la ronde car à peine avais-je mis le pied dans l’étroite allée qui menait à elles, que l’une des deux se retourna. J’étais à une dizaine de mètres et saluais de loin, ou plutôt j’inclinais la tête comme pour me soumettre à l’œil noir qui m’était coulé, pour me faire tout petit, pour ne pas déranger. Mais j’avançais, attiré par leur douleur. Elle avait repris sa pose, la tête inclinée dans un recueillement bouleversant. L’autre restait prostrée et de temps à autre, j’entendais un reniflement discret. Le chagrin des deux femmes devait être profond et elles semblaient inconsolables… À deux pas d’elles, sans distinguer autre chose que leurs dos légèrement voûtés, je m’interrogeais : qui pouvaient-elles être ? Une mère et sa fille ? Des sœurs ? Venaient-elles de porter en terre un père ? Un grand-père ? Un mari ? Un frère ? Je respectais leur solitude, mais restais sur le qui-vive, aux aguets. Elles avaient éveillé en moi cet instinct morbide de savoir qui elles étaient et qui elles pleuraient. Enfin, elles se décidèrent à bouger. L’une prit l’autre par la manche et la força à la suivre, à sortir de son chagrin, à revenir à la réalité. Elle lui murmurait à l’oreille des paroles - certainement de doux mots consolateurs - qui avaient, pensais-je, fini par l’arracher à cette douleur contemplative. Lentement elles se sont retournées pour me faire face. Ce n’était pas ...
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