Douze mètres sous la surface, Alain et Eve...
Datte: 31/07/2018,
Catégories:
nonéro,
mélo,
sf,
... Allez, fais pas ton faux-cul !— Je suis sérieux, Eva ! Tu commences à en savoir plus que moi…— Et si on se fêtait ça avec un bon dessert, hum ? C’est comme ça qu’on s’est retrouvé à déguster des cônes au chocolat, en regardant « Titanic » sur grand écran. Alain avait bien fait les choses : on était assis dans de véritables fauteuils de ciné et on avait même du pop-corn ! C’est assez dérisoire, quand on y pense ; douze mètres sous un champ de ruine radioactif pour dieu sait combien de temps, deux survivants dans un bunker matant un film catastrophe. Ça avait tout d’une mauvaise blague. Titanic, c’est le genre de truc que tout le monde a vu dix fois. Et bien, pas moi. Je ne sais pas pourquoi, mais je n’ai jamais voulu voir ce film. Peut-être pour ne pas faire comme tout le monde, justement. À présent, je regrettais de ne pas avoir Piotr bien vivant à mes côtés, pour apprécier ensemble ce chef d’œuvre… Je n’étais pas la seule à être secouée. Alain a écrasé une grosse larme au moment où on voyait se séparer des familles, femmes et enfants grimpant dans des chaloupes tandis que les pères et les maris restaient à bord du navire en plein naufrage. Évidemment, il songeait à Manon et Élodie, à ce qu’il n’avait pas fait pour elles. Rien de ce qu’Alain aurait pu tenter n’y aurait changé quoi que ce soit, je pense. Mais ça ne l’empêchait pas de continuer à se torturer. Quand Jack s’est laissé mourir à l’écran, afin de sauver Rose, ça a été mon tour de sangloter. Maudite Rose ! Seule à ...
... pouvoir prendre place sur ce morceau de mur flottant dans l’eau glacée, condamnant son amant à disparaître dans les sombres profondeurs de l’Atlantique… Cette scène me rappelait une certaine tragédie, encore trop proche, tellement plus réelle. Ça n’avait rien à voir, mais pourtant c’était la même chose. Piotr avait fait le plus grand sacrifice qu’un homme puisse faire pour une femme. Il avait donné sa vie pour moi, sans hésiter. À tâtons, j’ai cherché la main de mon compagnon d’infortune, et je l’ai serrée très fort. Voyant couler mes larmes, Alain s’est penché sur moi. Il a d’abord embrassé mes cheveux, mon front, mes joues humides… Puis, je ne sais comment, nos bouches se sont trouvées. Toujours en pleurs, j’ai entrouvert les lèvres. J’aimerais pouvoir dire que ce fut bref, que je n’ai rien ressenti. Mais ce serait mentir. C’est sa main sur mon sein qui m’a fait réagir. Alors seulement, j’ai repoussé Alain. Nous n’étions pas sur le Titanic. C’était plutôt l’inverse. Autour de notre vaisseau de pierre, c’était le monde qui avait sombré. — On n’aurait pas dû, murmurai-je, les joues en feu.— Quoi ? S’embrasser ?— Oui. Non… Je sais pas ! Regarder ce film !— Eva, ça ne change rien entre nous. D’accord ? Comment pouvait-il dire ça ? Au contraire, ça changeait tout ! ooOOoo Déroutée, perdue, je me suis roulée en boule au creux de mon lit. Dans mon ventre, une crispation familière. La même que lors des longues nuits à attendre Piotr, de garde à l’hôpital. J’en voulais à tout le monde ...