Vraimodo
Datte: 01/08/2018,
Catégories:
fh,
amour,
... dimanche, il est quatorze heures à peine, et je prends ma seconde douche de la journée. Je me lave souvent. Je suis maniaque de ce côté-là, sans doute par révolte contre mon métier minable et ma condition modeste. Je m’habille de frais, puis me regarde dans la glace de la salle de bain. Je déteste ce miroir qui me renvoie mon malheur. À plusieurs reprises, j’ai failli décrocher cet horrible objet, mais qu’est-ce que ça changerait ? Je pense à Yolande, à ce qu’elle a fait, à ce qu’elle m’a dit. Si elle n’était aveugle, elle m’éviterait, assurément. Elle me fuirait, même, comme toutes les autres. Je pense au papier qu’elle a glissé dans ma poche, le soir du concert. Ce n’était pas improvisé, car il faut une petite machine pour rédiger ce type de message. Elle l’avait donc préparé. Peut-être pas spécialement pour moi. Peut-être en a-t-elle toujours à portée de main, de ces petits bouts de papier ornés de son numéro de téléphone portable… Elle dit qu’elle a du temps libre. Et si elle s’ennuyait, tout simplement ? Si elle avait seulement besoin d’un peu de compagnie, pour lui faire la conversation ? J’arrive devant la villa. J’ai marché tranquillement, pour ne pas transpirer. Ce n’est pas loin, mais c’est un quartier chic, là où les loyers sont hors de portée des gens ayant un salaire comme le mien. Je traverse le jardinet, grimpe quelques marches et sonne à la porte. Une dame vient ouvrir, quelques secondes plus tard. Une domestique, probablement. Elle me regarde sans plaisir, ...
... presque avec dégoût, mais ça ne m’émeut plus. Elle s’efface. — Mademoiselle Marquet vous attend. J’accède à un couloir qui traverse la maison dans sa profondeur, et où s’amorce un large escalier de marbre. Plusieurs portes, mais l’une d’entre elles est ouverte, à droite, et la domestique m’y emmène, puis s’éclipse discrètement. Yolande est debout, marche vers moi pour m’accueillir. Elle se déplace sans la moindre hésitation, dans cet environnement qui lui est familier. C’est une pièce étrange, vaste mais sombre, car les tentures sont tirées, et abondamment meublée. — Bienvenue dans mon petit domaine, dit Yolande en posant la main sur mon bras. C’est sa façon de « prendre contact ». Elle tourne vers moi ses yeux vides et troublants. La plupart des gens trouveraient vilaines ces paupières plissées, fendues sur deux taches blanchâtres, mais toute laideur est relative. Comparée à moi, Yolande est merveilleusement belle. Elle n’a pas la sveltesse de sa sœur Brigitte. Elle est un peu potelée, avec un visage arrondi, mais ses proportions sont agréables. Ses cheveux clairs et lisses tombent sur ses épaules, et sa peau laiteuse contraste étrangement avec le vert sombre de la robe légère qui la revêt jusqu’au-dessus des genoux. Elle est pieds nus dans des sandales dorées à talons plats. Il fait chaud. Bien plus chaud que chez moi. — Fait-il assez clair ? Je peux vous faire plus de lumière.— C’est très bien comme ça, dis-je. Je ne distingue pas tout en détail, mais du côté où nous nous ...