La vie d'avant (1)
Datte: 08/09/2018,
Catégories:
Erotique,
... avec toute la tendresse du monde ? Tu en écrases une bien noire, bien mure et le jus passe du fruit à mes lippes. Je rêve ou tes doigts tremblent un peu en me collant ce rouge à lèvres sucré ? Un gloss que je dois lécher pour rentrer à la maison. Mes cours ont débuté et c’est là que je comprends combien tu me manques. Je t’écris de temps en temps, les jours sont longs ici et les soirées studieuses, strictement dédiées aux études, elles me rendent folle. Les autres filles ont pourtant l’air de s’adapter plus vite que moi. Nos arbres, nos pêches à la grenouille, nos cueillettes de champignons, c’est si loin et ils vont faire de moi une sauvageonne domestique. J’ai longtemps chaque matin, guetté le courrier. Mais rien de toi. Anicet pourquoi ne me réponds tu pas ? Maman m’a envoyé aujourd’hui une photo du journal. Vous êtes cinq garçons de notre village à partir pour l’Algérie. Comme tu es beau dans ton uniforme. Moi je suis devenue copine avec quelques grandes de l’an dernier et pour les vacances d’été, je vais rentrer à la maison. Peut-être que tu seras là. Mes illusions se perdent dans d’innombrables heures de cours où tu n’as finalement pas, plus ta place. Une fille est devenue mon unique amie. Annette, des nattes et des taches de rousseur, Annette et sa gouaille incontrôlable, qu’elle est belle. Sûre qu’elle te plairait... avec ses cheveux auburn ! — oooOOooo — Cette photo d’Anicet trouvée dans le carnet de papa m’interpelle. Puis il y a cette lettre... celle écrite de ta ...
... main, elle m’intrigue. Je jurerais que c’est ton écriture, alors qu’à moi tu ne m’as jamais envoyé un seul mot. Je la lirai à tête reposée. Puis mes sacs, je les ai placés dans mon coffre de voiture. Augustine, la copine de maman est venue me voir. Juste comme ça, pour parler du bon vieux temps. Elle voulait tout savoir, curieuse comme une chatte. Elle ne m’a donné aucune nouvelle de toi Anicet, mais je n’en ai pas demandé non plus. Du reste pourquoi est-il revenu sur le devant de la scène de mon esprit ? Il y a si longtemps que nous nous sommes perdus de vue. Augustine... quatre-vingt-cinq ans et encore si alerte, elle ne s’est pas gênée pour me poser des tas de questions. J’ai dû répondre à certaines, louvoyer pour éviter les autres plus ennuyeuses. Celle de connaître mon mari ? Il n’y en a jamais eu donc pas de souci. Mais quand elle a touché la corde sensible des enfants, j’ai failli craquer. Je n’ai eu d’égards que pour ses cheveux blancs et son grand âge. Elle a fait des allusions directes sur la manière de vivre des jeunes d’aujourd’hui... et ma foi, elle n’était pas si loin de la vérité. J’ai décidé que je coucherais là ce soir. Cette maison... elle recèle tous les trésors, toutes mes attentes, tous mes espoirs aussi. Mes larmes quelques fois, mais je préfère ne plus m’en rappeler. Il y a comme des fantômes, ceux de mes parents qui flottent dans l’air, des cris de joie, des rires lors des fêtes de famille. Un drôle de drame qui se joue dans ma caboche, un moment fort. ...