1. Corps céleste


    Datte: 20/06/2017, Catégories: amour, historique,

    ... coincer, libre un instant, avant que ne déclenche l’obturateur. Il a failli ne pas le voir. Parmi les vols de palombes et ses pensées ensemencées de vignes, il a failli le rater, juste un glissement au ras des fourrés, à croire qu’il était là lui aussi à se planquer depuis des heures. Mais aussitôt, à la silhouette furtive, hésitante de gestes et inquiète de regards, il a su que c’était celui qu’il attendait. Il l’a cueilli au moment où, religieusement, l’autre déposait les trois roses blanches sur la tombe ; dans le mouvement le revers du col de son manteau s’est affaissé, découvrant un visage jeune, et recueilli il a pensé au vu des circonstances… mais si ça se trouve aucun recueillement n’habitait l’autre. Merci le numérique, le pied et tout ce bazar installé camouflé depuis deux jours, merci le numérique pas de flash mais il sait qu’avec The Gimp, le museau de l’autre, il l’illuminera comme en plein jour. Ils l’ont coincé à la sortie. Des lustres que rien n’avait bougé pourtant. Jubilant, il s’était même offert une lampée du cognac que l’autre avait posé sur la tombe de Poe, pour la gloire, solitaire, mais pour la gloire, à ta santé Edgar ! Il avait la mine de l’autre et quelques plans de la tombe de l’écrivain, fleurie de roses et d’une bouteille. Singulier. Mais pas plus allumé que les autodafés à Morrison au Père Lachaise en définitive. Sauf que là, le chèque allait tomber… il l’avait l’inconnu de la tombe de Poe qui, tous les 19 janvier, depuis 1949, déposait trois ...
    ... roses blanches et une bouteille de cognac sur ce fichu caveau du cimetière de Baltimore. 22 juin 2006, Cognac, Musée des Beaux-arts, Vernissage Dussaillant. Les amis du buffet sont tous là et parmi eux sans doute quelques amateurs. Vêtu de sa tonitruante faconde, qui l’habille comme une seconde peau, Dussaillant rayonne. Le vin, les femmes – certaines sont venues en grappe – ses yeux qui réjouissent comme franc cordial et cette reine à ses côtés, sanglée d’un fourreau, une robe, presque une jupe tant le corsage plaide par omission. La conservatrice, reine de ce bal, l’étoffe de sa toilette a poussé parmi les massifs d’un jardinier inventif. Elle est tulipe et calice. De ramageuses ellipses s’enracinent à ses hanches et tendent leurs rameaux jusqu’au milieu de son torse ; en coupes multicolores des pétales de soie effeuillent ou effleurent, on ne sait plus trop, la promesse de sa gorge qui ne ment pas. Il y a eu les discours. Après l’élu, la conservatrice en fut aussi. Elle a dit vigne, vin, sensuelles rotondités des coteaux et rondeurs des bouquets, cette part des anges qui dans les chais s’évapore et comment Dussaillant, justement dans ses peintures et ses bas-reliefs, comment ce travail s’accordait si bien avec ce terroir, elle a dit la résonance d’un territoire et d’une œuvre et, comme elle le disait avec son sourire et les pétales de son corsage qui dialoguaient si bien avec les bas-reliefs de l’artiste, à tout ça on voyait bien que c’était une fête des sens. Et c’est bien ...
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