1. Corps céleste


    Datte: 20/06/2017, Catégories: amour, historique,

    ... tellement ton œuvre que tu vois… tes bas-reliefs, tes putains de femmes aux seins en obus, icônes d’une délectation délicieuse. » Délictuelle presque il aurait voulu dire parce que tels les bas-reliefs de l’artiste. C’est là que l’improbable. Cette voix derrière Laurence fluette mais qui leur parvient cependant, qui dit : « C’est troublant je ne sais pas exactement mais je crois que je sais de quoi vous parlez. » Et leur cercle qui s’ouvre sur le vieil homme, propre et respectable, cravaté et rasé de frais comme on s’attend à en trouver dans les vernissages de province. Tel il est mais si troublé, fébrile. « Vous permettez ? » Dussaillant lui confie la bouteille. Le vieux la regarde tout entière. Pas seulement l’étiquette, c’est toute la bouteille qu’il regarde et il l’élève dans la lueur des spots comme pour apprécier la qualité de l’alcool, mais c’est celle du verre qu’il contemple. Les autres le regardent. Bien mis. Facile quatre-vingts ans. Ses mains qui ne tremblent plus quand il rend la bouteille à Dussaillant. Sa voix qui frémit à leur dire : « Il faut que je vous raconte une histoire, mais nous serions mieux chez moi. » À Laurence, il jette un regard : « J’habite tout près, vous ne serez pas absente longtemps de vos terres, mais il y a quelque chose qu’il faut que vous voyiez, une chose que j’aurais donnée de toute façon à ma mort aux musées de la ville, mais cette bouteille en déclare, comment dire ? l’urgence ? l’histoire que je n’aurais pas bien restituée sinon. » ...
    ... Cognac, Hôtel XXX, 22 juin 2006, 19 heures. Les trois sont là dans le salon du vieux, bonbonnière d’une vie, la conservatrice a reconnu deux Auguin sur un mur, s’est interrogée, peut-être un Courbet de Port-Berteau là… Une sorte de fièvre les consume depuis qu’ils ont pénétré dans le vieil hôtel. Dussaillant et Laurence sont aux aguets et le jeune balance entre inquiétude et étonnement, d’un pied sur l’autre comme les surprises que réserve la vie il pense. Le vieux revient d’où il était parti, il revient avec des verres et un flacon dont l’ambre comme la bouteille et d’ailleurs, il dit, c’est le même je suis sûr, il m’en reste si peu mais c’est impossible, voilà qu’il tremble de nouveau en remplissant les verres et Dussaillant lui prend le flacon des mains, dit je vais vous aider, les verres sont remplis, d’un liquide un peu visqueux et le vieux dit sentez ça. Dussaillant a les mots justes pour l’alcool et Laurence le sourire des yeux et de tout son être pour encourager le vieux. L’autre attend. C’est son métier, d’attendre et de voir venir. Le vieux leur dit que c’est le même qui est dans leur bouteille. Qu’il n’aurait jamais pensé voir une telle bouteille mais qu’il la connaît depuis toujours. Il a reconnu le verre, c’est ce qu’il leur dit. Mais c’est l’étiquette surtout quand ils ont dit Monsieur Dussaillant et Madame la Conservatrice : « Lempicka » il n’était pas loin, il a dressé l’oreille et voilà pourquoi ils sont là. Il dit qu’il ne sait pas par où commencer. Il leur ...
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