1. Le vallon


    Datte: 17/11/2018, Catégories: amour, nonéro,

    ... mérites, Isolde était remarquablement belle. Isolde inspirait l’amour comme le printemps inspire le germe aux fleurs. Mais Niels, dans le trouble de ses idées, ne comprit pas ce sentiment qui naissait en lui et qui prenait racine. — Oui, sans doute, je vous comprends, dit Isolde. Et je comprends maintenant ces feuilles que vous ne barbouillez pas, cette plume que vous tenez à la main. Vous voulez, sur ces pages, y mettre un peu de vous… mais vous n’y arrivez pas.— Vous me devinez sans peine, Isolde, et l’on ne peut rien vous cacher. Ce que vous dites est hélas ! bien vrai…— C’est donc un si grand malheur de ne pouvoir écrire ? Moi, je m’en porte plutôt bien.— Et vous êtes bien sage de le croire. Malheureusement, ces pages me dérangent. Regardez comme elles sont belles depuis quelques jours ! Moi je voudrais qu’elles fussent noires et bien sales. C’est là mon seul désir et mon unique souhait.— C’est donc bien regrettable de s’apitoyer comme vous le faites. Ces feuilles ont-elles un si grand besoin d’être barbouillées ? Et ne peuvent-elles se passer de vous tourmenter ? Tenez, je les trouve bien vilaines et bien méchantes, moi… Niels rit de voir la grimace que fit Isolde et Isolde, le voyant si gai, rit avec lui. L’heure passa ainsi, très vite pour Niels, car il trouvait du charme à se trouver au côté d’Isolde. Il éprouvait du bonheur à écouter son gentil babil, à la regarder s’animer quand par exemple une feuille détachée de sa tige virevoltait devant elle… Une autre heure ...
    ... passa, et Isolde dut prendre congé de sa compagnie. Elle se leva précipitamment . — Vous reverrai-je, Isolde ?— Peut-être, dit Isolde en souriant, si vous revenez ici. Et aussi rapide que l’on peut être quand on ne se sent plus, Isolde de toute la vitesse que lui donnait ses jambes, Isolde avec la fougue de l’étalon descendit du vallon. Arrivée alors sur la prairie, plus vite encore, elle courut à travers champs pour n’être plus, après un temps, qu’un atome parmi d’autres sur l’horizon. Niels, n’essaya pas d’en savoir plus, il ne tenta pas de la retenir. Mais enfin, il la regarda courir et cette course effrénée de la jeune fille, pour lui, avait tous les effets de la grâce. Car Isolde révélait dans sa démarche, comme le dit Virgile, une véritable déesse. Niels alors ému au plus haut degré, Niels tout éveillé qu’il était, Niels entra dans une profonde rêverie. De quoi il rêvait, nous ne saurions dire, mais de temps à autre, on le voyait sourire et ses yeux brillaient. Une abeille passa à un doigt de ses yeux, il ne la vit ni ne l’entendit, malgré son incessant bourdonnement. Enfin, après un long moment, sortant de cette léthargie, il se mit à murmurer quelques mots : — Oh il faut que j’écrive, et vite ! Et Niels tout plein de verve saisit sa plume et écrivit. Il écrivit ainsi sans interruption, avec acharnement presque. La plume, elle, courait sur la feuille. Bien plus, elle caracolait ! A la nuit tombante, il avait à son grand étonnement noircit de son encre toutes ses feuilles. ...
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