Les heures perdues (1)
Datte: 18/11/2018,
Catégories:
Divers,
Mon maquillage fout le camp ! Il se délite sous les litres d’eau qui me tombent sur la tête. Je marche depuis une bonne heure sous un déluge venu du ciel. Je ne sais pas pourquoi ! Je me suis senti une incroyable envie de marcher, marcher encore et résultat… l’orage qui me dégringole dessus avec ses rivières fraîches. Il laisse sans doute des traînées de rimmel qui glissent de mes yeux à mes joues, me donnant l’air d’une miséreuse. Quelle idiote tout de même, sortir sans parapluie, c’est tout bonnement con ! Mais voilà ! Au détour d’un étal, au marché ce matin… mon cœur dans ma poitrine a fait un bond. Devant moi, le type que je scrute fixement, on dirait… mais oui, on dirait, Eddy ! Une résurgence de mon passé, pas si lointain en fait. Cet homme regarde vers moi et je sens son regard, un regard qui me transperce, qui me cloue sur place, qui me crucifie et finit par me traverser. Alors ces yeux qui passent à autre chose, c’est difficile ! Et dans sa cage, mon horloge qui cogne à tout rompre. Je replonge dans ma jeunesse, dans un monde que je voudrais n’avoir jamais quitté, un cocon doux qui me manque tellement ! Eddy ! Mon Dieu ai-je donc tant changé que ses yeux ne se soient pas seulement arrêtés une fraction de seconde sur mon visage ? Et puis… le voir, le revoir me rend folle. Alors j’ai tourné en rond dans ma maison le reste de la matinée et sans réfléchir je suis partie, sans but, juste pour que mon esprit se libère de l’énorme pression engendrée par cette rencontre ...
... inattendue. — oooOOooo — Le vendredi soir, je rentre à la maison. Mes parents m’attendent toujours à la gare et quand je descends du train, seule maman est là. — Papa n’est donc pas venu ? Il n’est pas malade au moins ? — Non ! Non, ma chérie ! Figure-toi qu’un de ses amis est à la maison ! — Chez nous ? Un ami de papa ? Et bien c’est à marquer d’une pierre blanche. Il en a si peu. — Oui ! Mais celui-ci, c’est un vrai, un de ceux avec qui il a fait l’Algérie. — Je vois… les guerriers qui refont le monde, celui d’avant, celui qui, à les écouter, à les entendre était meilleur que le nôtre ! Et pourtant, il y avait si souvent des batailles ! — Oui. Mais ils n’y sont pas tous allés par plaisir. Enfin tu verras bien ! C’est un type relativement sympa. J’ai écouté maman et surtout je l’ai regardé. Pour qu’elle parle comme ça d’un autre mec que mon père c’est qu’il lui a sacrément tapé dans l’œil. Je ne l’ai jamais vue comme ça ! Nous roulons dans notre « dauphine » qui nous ramène vers notre petite maison ! Oh ! La maison ! Elle ne nous appartient pas vraiment non plus ! Gabriel, oui mon père se prénomme Gabriel, c’est le contremaitre du tissage du village. Et il a toujours travaillé dans cette usine. Donc le logement va avec la fonction et le nôtre reste le plus beau… à mes yeux ! Moi ? Claude, dix-neuf ans depuis le dernier automne. Et je fais des études de droit, ils en sont si fiers mes parents. Il faut dire aussi que mon père besogne dur pour payer mes études et que je ne veux ...