Le temps des aveux
Datte: 07/08/2017,
Catégories:
jeunes,
couleurs,
école,
amour,
init,
exercice,
confession,
mélo,
... rêvassant sur ce qui vient d’être dit. Là par exemple, elle me laisse le temps d’accuser le coup. Et peut-être aussi de se donner à elle le courage de continuer. Je la regarde : son visage est figé comme un masque de tragédie. Il en a la pâleur. On dirait un visage de cire pétri de colère rentrée et de chagrins inavoués. Elle me fait carrément peur. — C’est un tyran ! ajoute-t-elle d’une voix sourde, et un tyran violent. Hier soir encore, il a eu une de ses crises de jalousie terribles. Il ne supporte pas le moindre retard, et ma mère est rentrée avec une demi-heure de retard. Avec son métier d’infirmière libérale, c’est fréquent. Mais il ne veut pas comprendre. À chaque fois il l’engueule, il l’insulte et souvent, les coups pleuvent… « Où étais-tu ?… Avec qui ?… Tu n’es qu’une vulgaire traînée… » et vlan !… Tu vois le genre ? Je vois surtout ses poings serrés, tremblants, son visage pétrifié, au bord des larmes. Elle ne me regarde pas, comme si elle avait honte. Ses yeux fixent le sol. Revit-elle la scène ? Je ne dis rien. — J’étais dans ma chambre. J’entendais les cris, puis les coups sourds…, des coups sur les bras ou des coups de pied sur les jambes… – Sa voix est étrangement déformée, rauque, une voix de bête blessée… – Des claques au visage aussi, pas des coups qui la marqueraient, et jamais dans le ventre ou sur le buste… Toujours aux membres ou sur les joues… Ce qu’il veut, c’est faire mal, mais pas blesser. Un sadique… Elle renifle. Le masque de cire a fondu en ...
... larmes. D’un revers de main rageur elle s’essuie… — Le plus dur, c’est les cris. Entendre les cris de maman qui a mal… tu ne peux pas imaginer ce que c’est. Les cris et les supplications. Parce qu’elle le supplie, elle lui jure qu’elle n’a rien fait de mal. Elle veut juste qu’il arrête de la frapper… C’est insupportable. C’est comme s’il voulait chasser d’elle un démon qui n’existe pas ! Je lui prends la main doucement, prudemment de peur qu’elle ne se rebiffe. On est sous le préau, au vu et au su de tout le monde. Tant pis. Je me serre contre elle, pour la consoler. Je sais, c’est impossible. On ne console pas un tel chagrin. Mais elle se laisse aller contre moi, sa tête contre mon épaule. En d’autres circonstances, je jure, j’aurais sauté comme un chamois et j’aurais gambadé de bonheur tout autour de la cour. Mais pas là ! J’ai du plomb dans le cœur. La glace l’étreint, un froid mortel, intense a envahi tout mon corps… voilà donc ce qui se cachait sous la ligne de flottaison de mon iceberg. Je ne veux pas qu’elle ait si mal… — Et toi, murmuré-je en hésitant. Est-ce que… est-ce qu’il te bat aussi ? Elle remue la tête. — Non… en tous cas, pas comme maman. Des paires de gifles, ça oui ! Et plus souvent qu’à mon tour. Au moindre faux pas, à la moindre mauvaise note, j’ai droit à un aller-retour. Et ce n’est pas pour de rire ! Ça fait un mal de chien. Un silence encore, entrecoupé de courts sanglots réprimés… Je caresse machinalement sa main brûlante. — Pardon, murmure-t-elle… Pardon ...