Poésie brodskyenne
Datte: 06/01/2019,
Catégories:
nonéro,
exercice,
poésie,
EN SORTANT DU BAR… En sortant du bar après avoir éclusé mes trois Guinness nocturnes, je suis rentré chez moi, les poings au fond des poches et en rentrant la tête dans les épaules pour me protéger de la pluie qui tombait à grand seaux, ce qui, bien sûr, ne servait à rien. La petite église romane du quartier était ouverte et je décidai d’y entrer pour m’abriter un peu. Faut dire que je ne vais plus très souvent dans les églises en ce moment, même si je sais bien que la maison de Dieu est ma maison. Mais comme elle est la maison de tout le monde et que j’ai du mal avec le monde, je préfère lui parler de chez moi, dans l’appartement que je partage avec mon chien. Par chance, l’église était presque vide. Il y avait juste un mec avec des sabots de cheval à la place des chaussures et une queue fourchue qui jouait de l’orgue, et qui en jouait merveilleusement bien pour une fois. Tandis qu’il jouait sa queue battait doucement la mesure Je me suis assis sur un des bancs de la crypte en attendant que la pluie s’arrête et en écoutant l’orgue. J’ai fermé les yeux… Lorsque je les ai ouverts à nouveau, j’ai vu le crucifix dans le fond de l’église qui brillait d’un éclat bien particulier. Je m’en suis approché, fasciné, émerveillé, en regardant le pauvre bougre qu’on avait cloué là-dessus, et qui pourtant les avait tous envoyés se faire mettre en ressuscitant, il paraît, trois jours après seulement, ce qui avait foutu une belle merde chez tous les prétentieux qui croyaient croire. ...
... L’orgue jouait toujours et la lumière m’appelait… J’ai posé ma main sur les pieds du crucifié et je l’ai regardé dans les yeux. Il avait l’air de vouloir me dire quelque chose d’important… Et alors l’orgue s’est arrêté et je l’ai entendu murmurer : « Sauve-moi, Simon… » « Hein ? » J’ai répondu. « Sauve-moi, Simon… » L’organiste a commencé une nouvelle partition et je me suis retourné vers lui pour lui dire d’arrêter deux minutes. Mais quand j’ai vu ses deux grandes ailes noires dans son dos, j’ai flippé ma race et je suis sorti de l’église en courant comme un fou… Arrivé chez moi, je me suis servi une bonne Guinness bien fraîche et je me suis juré que plus jamais je ne foutrais les pieds dans cette putain d’église lorsqu’une musique retentirait à l’intérieur. NE CROYEZ PAS… Ne croyez pas qu’il y a quelque chose de céleste ou de romantique dans la misère ou dans l’alcoolisme : Il n’y a que du désespoir… Certains branleurs se croient malins en racontant des conneries sur la prétendue liberté des clochards : Il n’y a que du désespoir… Il n’y a pas d’héroïsme à boire comme un trou, à vomir dans la rue ou dans ses chiottes et à se rouler dans sa merde : Il n’y a que du désespoir… Il n’y a aucune poésie dans l’acte de payer une pute ou un travelo pour se faire sucer la queue : Il n’y a que du désespoir… Et il n’y a besoin d’aucun talent particulier ni d’aucun génie sorti de mon trou du cul pour écrire ces mots où il n’y a que du désespoir… Les pisseuses et les bourgeois se pâment ou ...