Alter ego - Histoires de Sexe

Alter ego

... dans le grand faitout qui va servir à préparer ce délice de potage que je n’ai jamais mangé qu’ici. L’écossage est une activité qui ne nécessite pas grande attention et qui ne gêne en rien une conversation à bâtons rompus. Nous avons parlé de ma vie à Écommoy, de l’oncle Alphonse et de Marthe que tante Lucie adore. Je suis bombardé de questions, elle veut tout savoir : mes études, mes espoirs, mes loisirs. Elle s’étonne que je n’aie pas d’ami là-bas. Je lui explique que mes années de pension m’ont tenu éloigné de tous les jeunes du bourg et qu’à dix-huit ans, il était un peu tard pour nouer des relations amicales, d’autant plus que je n’avais aucun centre d’intérêt commun avec eux. Je ne pouvais même pas faire la connaissance des filles à la messe dominicale puisque j’assistais toujours à la toute première, à l’aube, pour pouvoir prendre le train du Mans et il était exceptionnel qu’une jeune fille assiste à cette messe matinale. Le sujet autour de ma petite personne commençant à être bien épuisé, tante Lucie, dans son parler direct, en vient à me parler d’Edmond. — Je sais bien que, même s’il t’en a parlé, tu ne me diras rien ; mais moi, je t’en parle. Edmond a changé depuis quelques jours. Je continue à écosser mes petits pois en silence, la regardant par en dessous d’un air qui se voulait interrogateur. — Oh ! tu peux bien faire l’ignorant, je suis sûre qu’il t’a parlé de cette livraison qu’il a faite chez mademoiselle Duclament… Oui ! je vois tes yeux qui pétillent et ...

... qui cherchent à me fuir, donc il t’en a parlé. La situation est délicate ! Je garde un silence prudent et embarrassé. — Bon, vu le temps qu’il a passé chez elle et connaissant la donzelle, je suis convaincue qu’elle l’a déniaisé… Tu ne réagis pas, je ne me suis donc pas trompée… Elle me regarde et me sourit. Elle tapote le banc à côté d’elle. — Viens t’asseoir là. Je m’exécute. Elle passe son bras derrière moi et me serre contre elle. Penchant la tête sur mon épaule, elle me chuchote dans l’oreille : — Il est des choses qui ne se disent pas à voix haute. Bon, tu le sais, j’ai l’esprit large… Je suis contente pour lui ; je connais bien cette demoiselle ; elle est propre et saine et malgré sa réputation, c’est une bonne fille. Elle n’a pas eu la chance de recevoir l’éducation qui aurait pu en faire une dame, alors elle se débrouille avec ce qu’elle a… Mais je vous connais, vous n’allez pas en rester là. Edmond va s’arranger pour que tu puisses y aller aussi, je me trompe ?— Non, ma tante…— Alors, qu’est-ce que vous avez combiné ? Là, je suis obligé de répondre et je ne peux pas mentir. — Ben… il voudrait que je me fasse passer pour lui. On échangerait nos prénoms.— Mmmm vouuuuiiiii ! Le mot traîne dans sa bouche, elle prend un air songeur et poursuit : ce n’est peut-être pas si bête… Très rares sont les personnes qui arrivent à vous différencier. Bon, pas de bêtise, ne faites rien sans me tenir au courant.— Oui ma tante. On voudrait commencer demain ici, pour voir si c’est ...