Jeux de miroirs
Datte: 13/02/2019,
Catégories:
sf,
fantastiqu,
merveilleu,
fantastiq,
merveille,
... monde cherche Roll… Et Roll demeure introuvable. Vers quinze heures Un petit voilier, l’Aphrodite, vient s’amarrer à la jetée. L’homme qui débarque ne peut être que Santos. Un petit gros, de race noire, luisant de sueur sous un vieux chapeau déchiqueté, maillot de corps grisâtre tendu sur un torse de lutteur. L’accueil manque de chaleur. — Qui ?… Je ne connais pas de Jacques Roll. Jamais entendu ce nom. Bon, tu m’excuses ? Il traverse le quai en direction d’une boutique. Je le suis machinalement, jette un œil à l’intérieur à travers le carreau crasseux. Santos surgit, un cageot dans les bras, au moment où je me décide à pousser la porte. Nous nous heurtons, des pommes roulent sur le plancher. Il jure un grand coup en portugais. J’éprouve l’impression très nette qu’il m’aurait déjà étalé d’un coup de poing si je n’offrais le visage d’une telle décrépitude. Je tente de me faire pardonner en ramassant les pommes. Sans un mot il revient vers le quai, retourne à la boutique. Il me jette d’autorité un lourd carton dans les bras. — Rends-toi au moins utile… Je le suis sur le quai en trébuchant sous la charge que je dois poser précipitamment pour soulager par-dessus le bord du quai mes intestins douloureux. Santos embarque ses provisions. — Je vais casser une croûte, ça te dit ? Sans attendre de réponse de ma part, il entre dans un caboulot crasseux où il commande vin chaud, pain et fromage. Je m’effondre sur la râpeuse banquette de bois, le vin explose dans mon estomac vide, me ...
... monte aussitôt à la tête. Santos observe et attend. Je raconte toute l’histoire en décousu : Jacques Roll et Sonia ; Madrid et la piste d’un mystérieux voyageur qui était ou n’était pas « le mage » Jacques Roll, piste perdue, retrouvée, perdue définitivement ; Alger où je me suis fait voler et tabasser ; Maxie Maggiddle et Chapuis ; le long voyage depuis le sud de la France ; le déraillement… Santos ne dit mot. Je m’endors, je rêve. Il me secoue. — Faut y aller, petit : on va louper la marée. Je me retiens de prononcer le nom qui me vient aux lèvres. — Il est… là-bas ? Il secoue la tête avec tristesse : — Non, mon petit. Je ne sais pas où il est. Personne ne sait où il est. Mais Marie-José et Manuel ne me pardonneraient pas d’avoir laissé partir leur demi-frère sans l’amener à Guanahani. Ainsi en une phrase me fait-il don d’un début de famille… À présent, nous sommes en mer. Je parle de mes études interrompues par cette quête. La voile claque au vent, je regarde l’île qui se rapproche. — Tu attends quoi de lui ? veut savoir Santos… Il ajoute au bout d’un instant : — De l’argent ?— J’ai seulement envie de savoir qui il est, ça peut sembler bizarre… Réponse dont l’agressivité naît de la fatigue. Santos comprend, se justifie : il a le devoir de se monter prudent et je sais pourquoi. Il secoue sa grosse tête. — Savoir qui il est… Je travaille pour lui depuis dix ans et je ne sais toujours pas qui est Jacques Roll. Cette phrase m’a frappé. Chapuis, à Alger, m’a parlé de Roll ...