1. retour de vacances (1)


    Datte: 19/08/2017, Catégories: Divers,

    ... regard m’accompagnait, m’enrobait, jusqu’à cette salvatrice obscurité, et, quittant la fraîcheur réfrigérée de la boutique, un frisson me parcourait l’échine, alors que je percevais la moiteur de la nuit, que je n’avais pas ressentie au premier abord. J’avais déjà connu une sensation similaire. Une fois. C’était en arrivant au travail, un matin, alors que je sortais du RER. Des jeunes gens, comme souvent, traînaient là, assis sur un muret. Ils ne faisaient pas peur au milieu du flot moutonnant qui se répandait, mais j’avais l’habitude d’éviter leurs regards. En passant devant eux, ‘ai entendu leurs invectives, qui m’étaient destinées. A voix haute, l’un d’eux parlait de mater cette salope, qui sous ses airs de fesses serrées devait être bien chaude et aimer la queue. La vulgarité de leurs propos, la force de leurs voix qui me poursuivaient dans la foule silencieuse, cela me fit très honte, et je me suis hâtée de gagner la tour, sans me retourner. Je ne pouvais m’empêcher d’y repenser en attendant l’ascenseur, et alors, j’ai connu cette impression étrange, ce diable qui prenait mon contrôle. Devant la machine à café, et oui, déjà une machine à café, pour le petit express de mise en jambes, j’écoutais distraitement mes collègues car mon esprit était ailleurs. Je n’ai pas regagné tout de suite mon bureau et je me suis réfugiée dans les toilettes pour me caresser, ce qui ne m’était jamais arrivé. Et là, c’était la même chose. Me sentant protégée enfin par l’obscurité contre son ...
    ... regard, je me suis retournée et j’ai scruté la boutique éclairée, à travers la vitrine, en sirotant mon thé. Au-delà des quelques pupitres déserts, il y avait cette masse contre les machines à café. Trop loin pour découvrir la direction dans laquelle il portait son regard. Trop loin aussi pour voir à quoi il ressemble. D’ici, massif et imposant. Et l’évocation furtive de l’impression que j’ai ressentie me plonge à nouveau dans le trouble. Philippe traverse le halo de la piste dans ma direction, en tenant pincé entre deux doigts son gobelet, il faut que je me reprenne. J’ai été ridicule de partir comme çà, mais je ne me contrôlais plus. Il a dû repérer mon trouble, çà doit se voir comme le nez au milieu de la figure. « Tu as raison, il fait meilleur dehors ». Je détache mon regard de la vitrine et le tourne vers lui. Il me gêne, j’ai l’impression d’un étranger, je le méprise un peu de ne pas pouvoir se hisser dans mon songe. Néanmoins, je me force à lui donner le change, je le laisse parler sans l’écouter, mes yeux vont des siens à la vitrine. Mon cœur s’arrête lorsque je découvre le devant des machines à café vide. Les quelques pékins de la boutique n’ont pas bougé, mais lui, il a disparu. Sentiment d’urgence, paradoxe. Le fuir, mais ne pas le perdre. Me cacher, mais être découverte. Je tends la tête dans toutes les directions alentour, aussi discrètement et avec le maximum de décontraction pour ne pas éveiller l’intérêt de Philippe, mais rien, il ne peut que s’être éclipsé ...
«1234...7»