À demi-mots
Datte: 10/04/2019,
Catégories:
campagne,
cérébral,
exercice,
humour,
Nous sommes parfois bizarres. Par exemple, lorsque nous nous rendons pour la première fois chez un médecin, nous espérons tous que la salle d’attente soit déserte ; mais quand c’est le cas, nous ne pouvons nous s’empêcher de penser que ce constat est peu encourageant quant aux qualités du praticien… Fatalement, en poussant la porte de la salle d’attente de ce docteur S. Sorel et en constatant être le seul patient, je suis saisi d’un doute. Dans cette campagne pouilleuse où j’ai échoué pour le boulot, qu’est-ce que je peux attendre d’autre qu’un vieux médecin aussi usé que son bureau ? En témoigne le mobilier : trois pauvres chaises dépareillées, une table basse de chez Ikea et, bien entendu, des Marie-Claire de 1988… Mais ai-je le choix ? Le prochain village, et donc le prochain médecin, est à plus de vingt kilomètres… J’attends… Qu’il – ou elle – daigne montrer sa trombine. Ah ! Des bruits dans le couloir que j’imagine communiquer avec le cabinet et la porte de sortie. Je tends l’oreille. Deux voix, féminines. Je ne perçois que des intonations. Impossible de comprendre ce qui se dit mais l’une me semble plutôt jeune, vive tandis que l’autre est éraillée, brisée. Je suis prêt à parier que cette dernière est la voix du médecin. Pas de bol ! Mais que ferait une jeune femme médecin dans ce trou paumé ? Les gonds d’une lourde porte grincent. Quelques mots encore échangés. Elle se referme. Des bruits de pas qui claquent sur le carrelage. Tiens, Mamie Doc a le pas étonnement ...
... alerte… Je guette la poignée de la porte qui fait face à celle empruntée pour accéder à la salle d’attente. Elle tourne… La porte s’ouvre et… Le choc ! Une blonde immense en tailleur couleur violine, jupe légèrement fendue et moulante, chemise blanche ouverte sur l’amorce d’un décolleté pigeonnant, escarpins, lunettes en écaille et chignon strict. Je reste sans voix, immobile. Elle me dévisage elle aussi. J’ai une irrésistible envie de lui sauter dessus, mû par un instinct bestial des plus primitifs. Elle ne bouge pas. Je peux voir sa poitrine se soulever au rythme de sa respiration, de plus en plus rapide. Elle est dans le même état que moi. C’est sûr ! On pourrait presque voir nos phéromones se télescoper. Nous ne sommes plus des humains mais deux animaux plus guère commandés que par leur soif d’accouplement. Nos yeux transpirent le sexe. Nos corps se réclament. Mais… il y a Victor, mon fils de six ans. Cette consultation est pour lui. Une otite externe, d’après les symptômes et mon expérience de papa divorcé. Et bien sûr, c’est pendant mon week-end qu’il tombe malade ! — Messieurs… En s’écartant de la porte, elle nous invite à passer dans son cabinet. Victor passe le premier. Elle me tend la main. Je la lui serre. — Bonjour, Docteur.— Oh, pas de « Docteur » ici ! Appelez-moi Samantha, s’il vous plaît.— Avec plaisir, Samantha… David.— Enchantée, David. Nos mains ne se lâchent plus. Nos sourires s’accrochent l’un à l’autre. Un courant électrique nous traverse comme si nous étions ...