1. Avant hier


    Datte: 17/04/2019, Catégories: nonéro,

    ... grosse boule rouge orangé, qui petit à petit colore le ciel en ce rouge si particulier annonciateur de beau temps pour le lendemain, me ramène à cette boutique ou se déplaçait sur un fond tout aussi immaculé, une belle chevelure rousse dont les reflets dans les faïences blanches du mur ne pouvaient qu’être annonciateurs de bonnes nouvelles. Associée à cette crémière, il y a l’odeur caractéristique des laitages, odeur fraîche, acidulée, odeur de propre, odeur de femme une fois encore. Je n’ai jamais eu l’occasion d’aimer une rousse, et je dois dire que cela me manque un peu. Je suis sûr que je retrouverais auprès d’elle cette sensation de sérénité vespérale, cette sensation de frais. Mais j’ai encore le temps de vérifier cela. La mercière était elle d’un tout autre genre. C’était une petite grand-mère qui déjà à l’époque devait avoir la plus grande partie de sa vie derrière elle. Aujourd’hui lorsque j’évoque son souvenir, c’est l’image d’une petite pomme un peu grise un peu rouge qui me vient à l’esprit. D’elle je garde aussi le souvenir des boîtes de coton à broder qu’elle me donnait lorsqu’avec ma mère nous entrions dans sa boutique pour quelques achats auxquels le temps confère comme une sorte de mystère. Ces boîtes, vides, me servaient de jouets. Telles qu’elles, elles étaient camions ou voitures que je lançais dans le couloir de l’appartement. Lorsque ma mère avait le temps, elle en découpait quelques-unes qui devenaient, grâce à la magie de ses doigts habiles, ...
    ... personnages, animaux, maisons, tout un paysage dans lequel je m’enfonçais pour y vivre des aventures dont bien sûr le héros sortait toujours vainqueur. La boutique où cette femme nous recevait était elle aussi un terrain de jeux. Pas très grande selon mes souvenirs, elle offrait toutes sortes de cachettes, de coins et recoins, et surtout il y planait comme une sorte de mystère. Imaginez, vous avez environ cinq ans, peut-être un peu plus, et aussi haut que puissent porter vos yeux, ce ne sont que tiroirs en bois blanc patiné par le temps, avec sur des porte-étiquettes des inscriptions que vous ne pouvez bien entendu déchiffrer. Ou encore, punaisés sous la poignée de ces tiroirs à trésors, des bouts de rubans, des accessoires de vêtement dont vous n’avez aucune idée de l’utilisation que l’on peut en faire. Il y avait aussi des cartons mystérieux, marqués d’un petit bateau aux voiles blanches, dont vous n’avez su que beaucoup plus tard ce qu’ils contenaient. J’y ai vu là les premiers échantillons de cette lingerie féminine, que j’aime tant aujourd’hui, sans que cela ne provoque à l’époque chez moi la moindre curiosité ni le moindre émoi. Que de temps perdu, et comme j’aimerais pouvoir maintenant que je sais quels trésors ces accessoires sont destinés à mettre en valeur, retrouver cette situation privilégiée qui fut la mienne à l’époque. Ma mère, qui ne travaillait pas à l’extérieur, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne faisait rien, venait souvent dans cette boutique, et tricotant ou ...
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