1. Avant hier


    Datte: 17/04/2019, Catégories: nonéro,

    ... brodant passait quelques heures en grande conversation avec cette dame. Je ne sais ce qu’elles pouvaient se raconter, mais cela me donnait l’occasion de profiter d’un autre terrain de jeux que mon habituel couloir, et cela suffisait à mon bonheur. Ma mère bien sûr est la première des femmes dont il me souvient. Elle était pour moi la douceur, la nourricière, la consolatrice dans ces moments de grand chagrin dont les sanglots vous étouffent, mais aussi et surtout l’autorité, celle qui devait être obéie quel que soit ce qu’elle demandait. Il faut dire que les choses ne devaient pas être simples pour elle, avec un mari (mon père), absent six jours sur sept, toujours par monts et par vaux, chez ses clients. Enfin, c’est ce que je retrouve dans mes souvenirs, car je pense qu’il devait rentrer tous les soirs, mais lorsque nous étions couchés ma sœur et moi. Mais je n’en suis pas sûr. Jamais elle ne se plaignait de la vie qu’elle menait, en tout cas pas devant nous ou pas dans des termes dont je puisse me souvenir, faute de les avoir compris sur le moment. Avait-elle une vie difficile ? Je n’en sais rien, j’imagine qu’elle devait elle aussi subir le lot quotidien des mères de cette époque, partagées entre les enfants, le ménage, les repas, les lessives sans machine, comme la vaisselle, attendant le soir le retour de son compagnon. Ce qu’était sa vie de couple est pour moi un mystère, et le restera sûrement éternellement. Mais peut-être est-ce mieux comme cela. Autre femme, ou ...
    ... plutôt promesse de femme, ma sœur. Elle fut pour moi peut-être le meilleur professeur es « fémininerie », si je peux me permettre ce néologisme. C’est auprès d’elle que j’ai appris beaucoup de choses concernant les femmes, pendant le peu de temps que nous avons passé ensemble durant notre enfance. Que l’on se rassure, à la lecture de ce qui précède, on pourrait être tenté de croire que nous avions une âme bien noire. Non, rien de tout cela, à part les petites séances de touche-pipi normales entre enfants aux jeux innocents, nos relations ont été tout ce qu’il peut y avoir de platoniques. Ce qu’elle m’a appris à propos des femmes tient en peu de mots. Même si cela peut être lourd de conséquences dans une vie d’homme. « Les femmes font de toi ce qu’elles veulent », c’est le meilleur résumé que je puisse faire de son enseignement. L’expérience m’a prouvé que ce résumé était le bon. J’ai donc assez vite quitté le giron maternel et ses douceurs pour me retrouver en pension, au grand air, à environ une heure de route de Paris (à l’époque), la qualité de l’air de la capitale ne convenant guère à ma constitution a priori peu robuste (où ce bon vieux toubib de famille avait-il été chercher ça ?). Pension provinciale, tenue par des « Bons Pères » où les seules jupes que nous pouvions contempler étaient des soutanes ou des habits sacerdotaux. Fermement encadrés par nos mentors, soumis à un règlement probablement pas plus dur qu’ailleurs, mais peu agréable pour des enfants de sept à dix ans, ...
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