Une petite amourette
Datte: 06/05/2019,
Catégories:
fh,
fplusag,
boitenuit,
danser,
Collègues / Travail
amour,
cérébral,
revede,
nonéro,
amourcach,
regrets,
C’est réglé comme du papier à musique, je débarque chez mes parents chaque matin vers huit heures depuis bientôt quatre ans et ce jour ne déroge pas de l’habitude. C’est une journée d’automne triste et froide, la météo annonce de la neige. Dans l’appartement, le chauffage tourne à fond, la température avoisine celle de l’équateur et la radio égrène les infos. Ma mère s’affaire à la cuisine, tandis que mon père dort encore. Un AVC survenu dans sa soixante seizième année, combiné avec une maladie d’Alzheimer, en ont fait un « bienheureux » grabataire, presque un « légume ». Par bonheur, notre famille bénéficie de l’assistance des personnels d’une association. D’ordinaire, l’aide soignante arrive tandis que je procède aux préparatifs de la toilette. Ce peut être Brigitte, Évelyne, Françoise, Nicole, Judith ou quelques autres salariées de « l’Association », selon les hasards de la programmation. Mais jamais, au grand jamais avant ce jour, cela n’a été un homme. L’infirmière chef accompagne le nouvel employé. — Je vous présente Arnaud, il remplace Estelle, précise-t-elle en l’introduisant. Les fossettes du jeune homme se creusent joliment, ce qui ajoute une note tendre à l’expression de son sourire, qu’il élargit encore tandis qu’il me tend la main. Je la saisis machinalement, par pur réflexe. — Bienvenu monsieur, murmuré-je, encore un peu interloquée tandis que ma conscience se noie irrésistiblement dans un abîme marin. Ses yeux ont la couleur des lagons, un vert intense, ...
... lumineux, hypnotique. — Appelez-moi Arnaud, corrige-t-il en continuant à sourire de toutes ses dents. L’accent porte la chaleur du midi. Je m’arrache à l’envoûtement. — D’accord, moi c’est Carole, confirmé-je en essayant de me montrer aimable. Le minois est trop mignon, à croquer. Arnaud est beau comme le sont ces garçons délurés à peine sortis de l’adolescence, comme le sont ces statues de dieux grecs dont les visages, autant que les corps, sont divinement sculptés. Il trimbale une jeunesse désinvolte et dresse une dégaine svelte, nonchalante. Sa beauté m’irrite, je le sens, en réaction parce que je n’y suis pas insensible, en superposition parce qu’elle ajoute une connotation superficielle, laquelle rime tout à fait avec mes a priori sexistes et ma conviction qu’un homme, a fortiori un mâle beau et jeune, ne peut pas égaler une femme pour ce genre de job. Par contrecoup, je suis injuste, désagréable, méchante même, et je le juge empoté alors que sa gaucherie n’est rien moins que normale pour sa première intervention chez nous. Mes préjugés sont tenaces, résistent des semaines durant. C’est ma façon de nier l’attirance qui me porte vers ce jeune homme mais en mon for intérieur, je sais combien je suis partiale, combien je suis séduite. L’amour m’est tombé dessus, je suis amoureuse de ce gamin, de sa jeunesse, de son image. L’icône m’envahit, creuse sa niche dans les méandres de mon cerveau. Ce genre de toquades ne m’est pas familier, jamais je n’ai connu, j’erre en terre inconnue ...