1. Les six petits cochons


    Datte: 08/05/2019, Catégories: bizarre, telnet, nonéro, policier,

    De la salive s’écoule le long de ma joue, suintant de la boule en caoutchouc noir qu’on a forcée dans ma bouche pour m’empêcher de hurler. Mes mâchoires, écartelées par cet encombrant colifichet, sont le siège de crampes de plus en plus intolérables. Quand ils ont verrouillé cette horreur à l’arrière de ma nuque, une terreur ignoble m’a submergé. Je n’arrivais plus à reprendre mon souffle ! La frayeur, l’adrénaline, je ne sais pas… Puis, d’un seul coup, mon diaphragme s’est débloqué, et une longue goulée d’air s’est engouffrée par mes narines frémissantes, gonflant mes poumons et me ramenant à la vie. Pour prévenir toute nouvelle crise de panique, j’essaie depuis de respirer calmement. Rester calme… Pas évident, quand on a les mains attachées dans le dos, avec des lanières qui vous scient les poignets. Mes genoux et mes chevilles sont entravés par le même genre de liens, suffisamment serrés pour faire mal sans toutefois couper la circulation sanguine. Est-ce un signe que mes agresseurs souhaitent me conserver en vie, et de préférence en un seul morceau ? En tout cas, j’essaie de m’en persuader… Mon menton frotte contre une moquette rêche, imbibée d’un fluide gras. Sous mon corps recroquevillé, j’ai une conscience aiguë de la roue de secours qui martyrise mes côtes. Au milieu des pensées terrifiées qui emplissent mon crâne surnage une interrogation perfide :« Est-ce que l’air se renouvelle, dans le coffre d’une voiture ? » Question banale, réponse haletante… Malgré moi, j’ai ...
    ... la conviction que je vais finir par étouffer dans ce réduit. Quand la bagnole s’arrêtera, je serai tout bleu. J’imagine déjà les conclusions du légiste. « Cause du décès :mort par asphyxie - Arme du crime :qualité de fabrication allemande… » Une odeur d’urine, mêlée d’effluves de gasoil, s’infiltre à travers la cagoule opaque qui me recouvre le visage. Je suis incapable de me rappeler quand c’est arrivé, mais il n’y aucun doute, je me suis pissé dessus. Mon pyjama trempé me colle encore aux cuisses. C’est parfaitement ridicule, stupide même, mais je ne peux m’empêcher d’en éprouver une cuisante humiliation.« Si ces types te sortent de là pour te coller une balle dans la nuque, qu’est-ce que ça pourra foutre que t’aies souillé ton froc ? », me fait remarquer cette partie de moi qui prend tout à la légère. On relativise comme on peut… Déjà deux heures que ma vie a basculé dans ce chaos démentiel, et je ne sais toujours pas pourquoi tout ça m’arrive. Mon enlèvement s’est passé à une vitesse incroyable. J’ai été réveillé par le fracas de ma porte d’entrée et avant même que je ne fasse un geste, plusieurs types me sont tombés dessus. En moins d’une minute, ils m’ont maîtrisé, ligoté, traîné dans l’escalier de secours, puis balancé dans le coffre de leur voiture avant de démarrer à fond la caisse. Depuis, on roule à une allure soutenue. On doit être à bonne distance de Rome, à présent. Ça ressemble un peu trop à du travail de pro, à mon goût… Pourtant, je ne me connais aucun ennemi ...
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