Tombé du Ciel
Datte: 10/05/2019,
Catégories:
fh,
jeunes,
uniforme,
campagne,
amour,
volupté,
historique,
ecriv_f,
... dans l’art de détourner ses questions, d’y répondre sans vraiment dire quoi que ce soit, l’air absorbée par la tâche. Ce matin-là j’étais plutôt absorbée par les mêmes questions qui avaient repris leur concert dès mon réveil. Une fois le travail accompli, je profitai de la première occasion pour prendre un bout de pain et du fromage, et m’éclipser dans l’aile condamnée. Dans la chambre un peu de lumière filtrait à travers les volets en décrépitude. Il dormait sur le sol, dans la poussière, mais semblait pourtant aux anges. J’ai fait quelques pas pour me pencher au-dessus de lui et l’observer dans cette lumière plus généreuse. Il était définitivement très beau. Depuis quand n’avais-je eu la chance de voir un homme aussi beau dans la région ? Je crois bien que j’avais dix ans, l’inspecteur qui était venu visiter la classe. J’ai décidé de ne pas le réveiller. J’ai déposé près de lui la serviette dans laquelle j’avais enveloppé le tout, puis je suis sortie sur le bout des pieds. Il fallait maintenant sortir sans être vue, ce qui fut heureusement une réussite. Mais je compris que je ne pourrais faire ce genre de visite trop souvent sans risquer véritablement d’être surprise. Il me faudrait me limiter à la nuit. Après avoir vérifié qu’on n’avait pas besoin de moi, j’annonçai que j’allais au village. On m’a transmis quelques courses, puis je suis montée sur mon vélo et j’ai pris la route. Elle était déserte jusqu’au village. Il faisait beau et je roulais vite, perdue dans mes ...
... pensées. J’étais à la fois nerveuse et heureuse. Heureuse que la vie m’envoie un peu d’émotions, et surtout quelqu’un d’aussi curieux que ce Thomas Owen. Le village ressemblait de plus en plus à un bourg allemand. Partout leurs panneaux, leurs images, leurs insignes, leur musique, leurs soldats, toujours plus nombreux. Qu’attendaient-ils par ici ? Mystère. Mais ils étaient là, bien visibles. Comme d’habitude, il fallait soutenir les regards insistants en rentrant dans le village. Rarement on m’adressait la parole. D’ailleurs, ils étaient peu nombreux à parler le français. Et je crois qu’ils avaient des ordres. Certains échangeaient parfois quelques commentaires entre eux, dont je préférais ignorer le contenu. Par contre les officiers ne manquaient jamais de lancer une remarque parfois flatteuse, parfois moins. Mais c’était une garnison sans histoire, ils ne créaient pas trop de problèmes aux résidants, même qu’il s’en trouvait pour dire que les occupants savaient y faire et que les choses fonctionnaient bien grâce à leur administration stricte. N’avaient-ils pas rénové le petit canal ? Je savais que je trouverais Blanchon chez le cordonnier, où il s’amusait à comploter même avant la guerre, contre tout ce qui à ses yeux en valait la peine. Je demandai au vieux cordonnier s’il était bien là, et il m’indiqua la petite pièce du fond. La conversation ne prit aucun détour inutile. Il savait bien que je ne lui rendais pas une visite de courtoisie. Les choses commençaient bien, oui il ...