1. Natasha & Franck (24)


    Datte: 15/05/2019, Catégories: Transexuels

    ... secondes, espérant sans doute qu’elle ne serait plus là quand je les rouvrirais. Elle était pourtant toujours dans la chambre quand j’ouvris à nouveau les yeux. ─ Tu ne dis rien ; ne me reconnais-tu pas ? ─ Bien sûr que je te reconnais. Comment ne le pourrais-je pas, malgré ta peau déchirée ? Tu as toujours dans ton regard cette colère qui venait si facilement. Et ces lèvres minces qui soulignent la colère dans ces yeux. Elle se leva lentement, se pencha en avant et posa ses mains sur le lit dans une attitude quasi féline, les deux mains décalées, l’une derrière l’autre, tel un fauve avançant précautionneusement d’un pas souple et silencieux avant de fondre sur sa proie. Elle se figea lorsqu’elle remarqua que je fixais avec angoisse ses mains d’une pâleur cadavérique. Ses longs doigts effilés comme des griffes démesurées se teintaient au fil des centimètres d’un rouge de plus en plus vif et sanglant. ─ Oh, n’aie aucune crainte : ton amie ne risque rien de moi ; enfin, je crois. En tout cas, pas pour le moment. J’imagine que cela doit dépendre aussi un peu de toi. ─ Pourquoi es-tu ici, alors ? ─ Je ne sais pas ; c’est toi qui m’as… invoquée, dirons-nous. ─ Que t’est-il arrivé ? ─ Tu parles de ça ? s’assura-t-elle en suivant de son index une des maintes cicatrices qui striaient sa peau. ─ Entre autres. ─ Je suis comme tu me vois. Comme tu veux me voir, peut-être ? Elle pencha la tête sur le côté, se tapota la joue de son index. Elle semblait réfléchir à ce qu’elle allait dire ...
    ... et s’amusait de l’angoisse et de la perplexité qu’elle lisait sur mon visage. ─ Chaque ligne sur ma peau est la trace laissée par un chagrin, une séparation, une émotion trop violente, un souvenir douloureux qui ne se referme jamais, toutes ces peines et douleurs que la vie s’ingénie à déposer sur nos parcours pour nous remodeler à sa guise, tel un sculpteur frénétique. Elle enjamba le lit, sans qu’aucun de ses appuis ne déforme les draps, comme si elle ne pesait rien. Un spectre ne pouvait avoir de poids. Une hallucination non plus. Elle semblait pourtant bien réelle. Elle se tenait devant moi. Presque contre moi. Mais aucune chaleur n’émanait de ce corps. ─ Regarde bien celle-là. Ne devines-tu pas ? C’est la blessure que tu as laissée quand tu m’as quittée. Ce n’est pas la plus grosse ; par contre, c’est la plus profonde. Il lui arrive encore de saigner, de temps à autre. Tu peux être fier… en quelque sorte. Certains se sont ingéniés à laisser plusieurs marques. Celles-là ont été laissées par ton prédécesseur, que j’avais surpris au lit avec une autre en revenant trop tôt du boulot un jour où je me sentais mal. C’était mon patron qui m’avait conseillé de rentrer, pensant qu’un peu de repos me ferait du bien… Elle plaisantait sur l’ironie de la situation. Pour une fois qu’elle avait eu un patron attentionné, il avait causé involontairement bien des dégâts. Elle me racontait tout cela comme si nous venions de faire connaissance. Je me demandai si elle divaguait, comme si elle ...
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