1. La forêt


    Datte: 04/06/2019,

    ... devant mes yeux. Regarde le ciel. Noir comme l’ébène, pas une étoile et pas de trace de lune, étrange endroit. Plus curieux encore : à l’extrémité du terrain découvert, juste avant que la forêt ne s’étende à nouveau épaisse et profonde, se dresse une petite maison. C’est une demeure simple, de pierre et de bois. On la devine modeste mais la fumée blanche qui s’échappe de la cheminée augure une pièce chaude et accueillante. Le froid est vif en cette saison, les volets sont presque tous fermés. Une lumière de chandelle perle de la seule fenêtre visible, lueur fuyante comme celle d’une lanterne qu’on déplacerait. Je presse les talons sur les flancs de mon cheval, son souffle est court et ses naseaux crachent maintenant des jets brûlants. L’échine est trempée, la bête est harassée, je m’arrête. À l’intérieur de la maison, une forme vient de passer derrière les carreaux givrés puis la revoilà à hauteur de la fenêtre, elle lève un peu plus sa lanterne, on dirait qu’elle scrute. Je retiens mon souffle, elle m’a vu, c’est certain. Allons, pourquoi ai-je peur soudain ? Du bruit derrière moi, voilà les deux autres qui débouchent du sentier. Les yeux s’arrondissent et je devine déjà les mauvaises idées et les pulsions sourdes qui traversent leur esprit. Je les devine car je ressens la même chose. J’ai faim. Par Lazarre, oui, je suis affamé. Mon poing frappe la porte. Paume contre bois, lourdement. Une fois, deux fois, trois fois. Rien. Je jette un regard furtif vers mes deux compagnons ...
    ... de fortune, les visages sont livides, les barbes sales. Ils ont l’air mal en point, notamment le plus petit dont le visage est pour moitié mangé par un mélange de sang et de crasse, son nez est brisé, l’œil gauche est complètement clos, quant à sa bouche, elle dévoile une infâme plaie ouverte sur des dents brisées, il respire bruyamment. L’autre, le plus grand, tremble de tout son corps, comme transi de froid. Dans le silence ambiant, le petit bruit emplit l’air tout autour de nous. Il est blessé au ventre et arbore un bandage de fortune, écœurant de saleté. Une traînée de sang noir séché barre son plastron de cuir. Le voilà justement qui se rapproche, oubliant ses tremblements, ses dents qui claquent sans pouvoir s’arrêter et il frappe à son tour, regard vide, plus fortement encore. J’avise le signe sur son poignet, un cercle de croix pareil à celui brûlé au même endroit sur ma chair. À nouveau il cogne à la porte. Pas de mouvement, aucun bruit, juste l’écho de métal au loin. Rien d’autre. Je m’éloigne de la porte, les deux autres à ma suite. Comme des rats à l’affût, chacun s’approche d’un orifice de la maison. Droit vers la fenêtre, je m’arrête, colle un œil à la vitre crasse : il y a des chandelles qui se consument, il y a du feu dans l’âtre. Les autres, je les entends faire le tour. — Elle est grande ! crie l’un des deux.— Bien plus grande que je pensais ! répond l’autre en écho, à l’autre extrémité. On dirait qu’il y a une étable !— Il doit bien y avoir quelqu’un, j’ai ...
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