La forêt
Datte: 04/06/2019,
... vu une forme tout à l’heure derrière la fenêtre ! ma voix se perd alentour.— Il a peur, ricane le grand en se rapprochant.— Il a raison, rigole l’étranger. Nous revenons vers la porte, le grand me bouscule, hache à la main, prêt à enfoncer le bois mais il s’arrête d’un coup. Comme nous, il fixe le mince rai de lumière dans l’entrebâillement de la porte. Les gonds grincent légèrement, nous entrouvrant la demeure. Je croise son regard, j’y vois de l’inquiétude ou peut-être est-ce simplement la mienne qu’il me renvoie. Alors, du manche, il ouvre la porte complètement, faisant hurler les bouts de métal. Il y a un long corridor sombre, au bout, ce doit être la pièce que j’ai vue par la fenêtre, en tout cas la lumière vient de là-bas. La maison ressemble à toutes les autres, de ces maigres habitations des gens des bois, modestes et froides. Le grand m’a précédé ; l’étranger, lui, marche sur mes talons alors que je m’avance dans le corridor obscur. Une odeur âcre baigne les boiseries, elle semble s’être incrustée ici depuis longtemps, faisant des murs et des parquets son lit. Aucune décoration ne vient égayer cette sinistre demeure, rien qui incite à s’attarder si ce n’est cette violente fatigue qui m’engourdit les membres. Derrière moi l’étranger reste silencieux ; de temps à autre, un souffle las, comme un sifflement, s’échappe de sa bouche meurtrie. Le grand crache sur le sol. — Eh bien, ça fera l’affaire, se réjouit-il. Oui ça fera l’affaire, la salle est large, plus que je ne ...
... l’imaginais, sans doute l’impression est-elle accentuée par le dénuement de la pièce. Un banc, une table rectangulaire et encore un autre banc plus grand avec un dossier en arrondi qui vient s’aligner entre deux lucarnes aux vitres fêlées, maculées de poussière. Sur la table brûle un chandelier dont les bougies largement consumées finissent de s’égrener en crépitant faiblement. De la cire a coulé sur les bougeoirs et s’est durcie sur le bois de la table, prolongeant les branches comme autant d’épaisses toiles d’araignées. Il doit y avoir un moment qu’elles se meurent ces flammèches, leurs petites lumières frémissantes se réfléchissent péniblement dans le dernier apparat de la pièce : un large miroir aux bordures dorées. La glace est sale et ne renvoie qu’une image trouble de ce qui passe, sans doute rarement, devant elle. Dans l’âtre, quelques morceaux de bois noircis craquent doucement distillant un semblant de chaleur. À part ça, rien. Rien d’autre. Si. Il y a autre chose. Près d’une lucarne donnant sur la forêt, là même où il m’a semblé apercevoir une forme quelques instants plus tôt. Un chevalet, une toile posée dessus. Je m’en approche jusqu’à l’effleurer. Un tableau. Un tableau ici ? Il est presque entièrement noir. En son centre, une petite lueur pareille à l’éclat lointain d’une torche dans la nuit semble révéler une masse sombre et irrégulière ; l’ensemble dégage une désagréable impression, je ne l’aime pas mais j’ai beaucoup de peine à en détourner le regard. Les ...