Le roi qui voulait être un homme
Datte: 02/07/2019,
Catégories:
nonéro,
portrait,
historique,
aventure,
... lecteur de se faire une idée réelle du personnage et de ne pas penser que nous dépeignons un monstre pour les besoins de la petite histoire, nous ouvrirons ici une courte parenthèse sur un fait qui s’était passé presque sept ans auparavant. À cette époque, Concini n’était rien. Enfin, le favori d’une reine dont le roi, qui n’avait plus que dix jours à vivre, n’écoutait plus les avis depuis longtemps (et pour cause : il s’apprêtait à déclarer la guerre à l’Espagne pour les beaux yeux d’une jeune femme de seize ans, Charlotte de Montmorency). Sous prétexte de montrer combien les faveurs de la reine le mettaient au-dessus de tous, Concino Concini entra au Parlement en refusant de se découvrir. On lui fit remarquer que cela n’était pas la coutume ; il répondit par le mépris, déclenchant la fureur de tous. Il fut expulsé, bien entendu, et bastonné, manquant d’y laisser la vie. Il est des hasards fâcheux… Concini qui survit le 4 mai, et Henri qui meurt le 14 : injustice ! Mais ne parlions-nous pas des caprices de la destinée, au début de ce chapitre ? Concini, à cette heure, avait besoin d’argent. Son appétit était sans fin ; les caprices de la Galigaï étaient innombrables, et la faiblesse de la reine à leur égard était le seul sentiment constant de cette femme si peu à sa place. On prévoyait donc de lever de nouveaux impôts. Mais le roi avait grandi. Il n’était plus cet enfant faible et malléable de neuf ans dont on faisait ce que l’on voulait. Durant toutes ces années ...
... d’humiliation, il avait appris à dissimuler ses sentiments, et ces derniers étaient vifs et profonds : une haine sans merci pour Concini et sa sorcière de femme, et une haine coupable pour la femme qui n’était sa mère que de nom. Un chagrin immense pour ce père qu’il avait adoré, et qu’il vénérait encore à l’image de Dieu, une piété profonde qui grandissait chaque jour, et de confus sentiments à l’égard de son confident, le maître en fauconnerie Charles Albert, duc de Luynes, qui pourtant bien que de vingt-trois ans son aîné ne le traitait pas en enfant, et qui malgré l’infériorité de son rang ne s’adonnait pas en viles flatteries destinées à obtenir des faveurs. Tous les deux étaient partis chasser tôt le mâtin. Louis aimait la chasse, qui lui permettait en outre de s’échapper loin des murmures et des vexations permanentes dont, roi sans couronne, étouffé par sa mère, privé du pouvoir au profit d’un sinistre aventurier, il souffrait mille morts. Ils chevauchaient côte à côte, et le roi, après une méditation profonde et tourmentée que son habitude de la dissimulation faisait passer aux yeux de tous pour de la rêverie, finit par demander : — Luynes, à quel âge devient-on vraiment le roi ?— Vous êtes le roi, Majesté. Vous l’êtes depuis la mort de votre défunt père.— Je veux dire : à quel âge un roi peut-il régner ?— Dès qu’il en a les capacités, je crois.— Et l’envie ?— Pardonnez-moi, Sire, mais l’envie n’est pas un sentiment royal. Envie ou pas, le roi est le roi. Il a la charge de son ...