1. Les lundis de Cendrillon, ou le grand théâtre du désir (1)


    Datte: 03/07/2019, Catégories: fh, fplusag, jeunes, copains, profélève, volupté, journal,

    ... de sa beauté insolente. La voici qui reçoit les compliments de ses parents, de sa sœur, de ses amis. Il y a Cherifa. Je ne donnais pas cher d’elle, non plus, dans le rôle d’Inès, cette damnée de la terre, employée de la poste, lesbienne, meurtrière par amour. Par quelle grâce cette enfant des cités a-t-elle su, d’instinct, atteindre à ce naturel incroyable dans le jeu et l’expression. Je la vois, toute timide, dans son coin, acceptant en rougissant les compliments de ses proches, secouant la tête en jouant, avec une candeur feinte, de ses grandes boucles noires et de son sourire irrésistible. Et puis, il y a Franck, le beau « Garcin », et si beau garçon… Franck, avec ses cheveux châtains qui ondulent si délicatement le long de son cou, avec cette aisance sociale, cette assurance du surdoué à qui tout réussit, le sport, les études – il va l’avoir, dans quelques jours, sa « mention très bien », qui en douterait ? – et les filles : laquelle résisterait à tant de charme, tant d’élégance décontractée, laquelle de ces petites minettes qui vibrionnent autour de lui pourrait ne pas rêver d’une étreinte avec l’éphèbe ? Moi-même, si j’étais célibataire et que j’aie dix ans de moins… Franck a été un comédien extraordinaire, d’autant plus qu’il jouait, à contre-emploi, le rôle d’un faible, d’un lâche, d’un traître, d’un salaud. Difficile, pour le public sous le charme de croire qu’un garçon aussi séduisant puisse être tout cela, et pourtant, il nous a tous bluffés. Il a déjà le talent ...
    ... d’un pro, et il le sait. Il semble perdu dans ses pensées, tout ignorer de l’agitation ambiante. Et le voilà qui me regarde, fend la foule, et vient vers moi : « Madame, je pourrais vous parler quelques minutes en privé ? » Nous voilà dans le couloir du lycée, seuls. « Je voulais d’abord vous remercier, bien sûr… Mais pas seulement. Je voulais vous dire aussi que je trouvais trop bête que tout cela s’arrête, comme ça, en si bon chemin. J’en ai parlé aux autres… Voilà, je… Depuis quelques semaines, je me suis pris au jeu. J’ai commencé à écrire… — Mais c’est formidable, Franck, c’est la plus belle chose que tu pouvais me dire !— Attendez, je n’ai pas fini. J’écris une pièce de théâtre. Je n’ai pas encore fini, mais tout est dans ma tête. À la rentrée, elle sera pratiquement finie et nous pourrons commencer à… Enfin, voilà, je voulais profiter de l’occasion pour vous demander si vous voudriez bien…— Vous diriger, comme cette année, mettre la pièce en scène ? Ce n’est pas que l’idée me déplairait, vous savez que j’ai pris beaucoup de plaisir à vous faire travailler, mais je ne suis pas sûre d’être disponible. Vous trouverez sûrement quelqu’un d’autre…— Non, non, ce n’est pas tout à fait ça. La mise en scène, cette fois, on s’en chargera. En fait, je voulais vous demander si… si vous vouliez bien passer de l’autre côté, être comédienne… Là, c’est à peine si je n’ai pas dû m’adosser au mur pour garder mon équilibre, tant la proposition me surprit. Jouer, moi ? Sous la direction de ...
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