1. Concert


    Datte: 10/07/2019, Catégories: fh, inconnu, caférestau, cérébral, revede, nopéné, nonéro, portrait, coupfoudr,

    C’est dimanche après-midi. Un dimanche gris au milieu de l’hiver. Si je ne veux pas déprimer, je dois sortir, voir un peu de monde. Il y a un concert à la salle du Cégep, de la musique de chambre. Je préfère les concerts symphoniques tellement plus pleins, plus ronds. Mais bon… Le spectacle est bon, pas enlevant mais c’est bien. À l’entracte je vais me chercher une bière. Je ne suis vraiment pas seul. C’est un peu bondé. Tout le monde veut être servi rapidement pour pouvoir finir sa consommation avant la fin de l’entracte. Je suis servi. En m’extirpant de la cohue je suis un peu bousculé. C’est une belle femme d’âge mûr, de mon âge, qui s’excuse en me faisant un sourire qui me vient droit au cœur. Un sourire. C’est tellement beau, un sourire ! C’est l’arme de séduction qui me fait le plus d’effet. Un sourire c’est comme une illumination, c’est comme si l’âme se frayait un chemin, comme si elle transparaissait, comme si elle prenait corps. Je peux lire à travers le sourire le meilleur de la personne. Et ce sourire qu’elle me fait, cette chaleur, cette douceur ; c’est un délice. Je me perdrais bien volontiers dans ce sourire. Je me mets un peu à l’écart, assis seul à une petite table. J’aime être à l’écart, avoir une vue d’ensemble sur la foule, regarder les interactions, imaginer les rapports entre les gens, les jeux de séduction, me questionner sur leurs motivations. La dame qui m’a bousculé m’a suivi. — Je m’excuse encore, me dit-elle en s’asseyant à ma table.— Je crois ...
    ... que je vais m’en remettre.— Vous aimez le concert ?— C’est bien. Il y a un petit silence. J’aimerais bien trouver quelque chose d’intelligent à lui dire. Elle me plaît. Elle a une petite robe avec un léger décolleté en rond qui met en valeur ses rondeurs qui m’attirent. Ce décolleté c’est comme une fausse discrétion. C’est comme s’il disait : « Regardez comme je ne veux pas vous provoquer, regardez bien comme je suis discrète. » C’est comme si on insistait sur la discrétion. C’est subliminal,sublibidinal. Une discrétion accrocheuse. — Moi je préfère les grands ensembles, reprend-elle. J’aime les jeux d’ensemble où chacun se fond dans le grand tout. Dans la musique de chambre c’est la performance personnelle qui est mise de l’avant, la virtuosité. Moi j’en ai ras le bol de la performance, j’y suis allergique.— Vous exprimez très bien ce que je ressens aussi. C’est un peu de l’exhibitionnisme. Je préfère une joyeuse discrétion. « Une joyeuse discrétion ! Qu’est-ce que je viens de dire ? » C’est sorti de ma bouche sans que j’y pense. Une joyeuse discrétion, mais c’est tout à fait elle ! Je lui tends ma main en lui disant : — Moi c’est Guillaume.— Marie-Thérèse, me répond-elle. Et qu’est-ce que vous faites dans la vie, Guillaume ?— J’écris.— Vous êtes écrivain, dit-elle une belle flamme dans les yeux. C’est à regret que je vais devoir la décevoir. — J’écris mais je ne suis pas écrivain. Je ne suis pas publié et je ne le serai pas. J’écris, c’est tout.— Vous écrivez comme ça, pour ...
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