1. C'est la burrrle, c'est la tourrrmente !


    Datte: 19/07/2019, Catégories: fh, extracon, Collègues / Travail campagne, froid, voyage, Oral pénétratio, glaçon, bougie, humour, aventure, occasion,

    ... débouchons dans une grande prairie parsemée d’arbres fruitiers, nus en cette saison. Des centaines de canards et d’oies s’y ébattent en plein air. Au centre trône un gros bâtiment bas et trapu, aux murs de granite et au toit en lauzes : la ferme du René. Après plus de deux heures de route, nous espérons y trouver notre bonheur. Un gars petit, trapu, une casquette vissée sur la tête et un mégot coincé au coin des lèvres nous attend sur le pas de la porte. — Du foie grras, pourrrais-p-t-ête pouvoirrr vous dépanner, nous explique-t-il dans un mélange de français et d’occitan, le tout pourvu d’un accent à couper au Laguiole, un accent rrrocailleux qui rrroule les « rrr » comme la rivière rrroule ses galets. Nous visitons sa ferme, qui contrairement aux apparences répond à toutes les normes d’hygiène, puis nous goûtons le foie gras ; et là, c’est l’extase ! Nous lui achetons toute sa production, ainsi que les cuisses et des magrets. Tous les magrets qu’il peut nous fournir. Le René rayonne : lui qui peinait à vendre ses produits vient de trouver preneur pour tout. Tout heureux, il nous fait partager son repas, bien arrosé. En fin d’après-midi, nous nous apprêtons à rejoindre notre hôtel, mais René tente de nous en dissuader. — Ne parrtez pas, va y avoir la tourrrmente, la burrrle.*— Non, non, il faut que nous rentrions chez nous. Au revoir Monsieur René.— Putain, sont vrrrément bouchés les gars de la ville, pisque j’vous dis qui va y avoirrr la tourrrmente ! Devez connaître la ...
    ... burrrle, quand même… Malgré son air désespéré, nous partons tout de même. En regardant dans le rétroviseur, nous le voyons agiter les bras de désappointement. — Tu sais ce que c’est que la tourrrmente ? me demande Régis.— Aucune idée, lui dis-je en souriant, amusée par son imitation. Nous roulons lentement sur cette route étroite où il fait de plus en plus sombre et où le vent souffle de plus en plus violemment. Quelques mouches blanches volettent dans le faisceau des phares et se posent sur le pare-brise. Les flocons commencent à tenir sur le sol. Je ne distingue plus très bien la route ; la neige devient de plus en plus épaisse. Le vent la colle sur le bitume. Je vois pour la première fois de ma vie une congère. Je franchis la première ; la voiture patine un peu, je commence à serrer les fesses.« Si seulement j’avais écouté le René… » — Quelle mouche m’a piquée pour accepter de venir ici ! C’est de ta faute aussi.— Mais j’y suis pour rien, moi.— Tu aurais dû refuser ; si tu avais refusé, je ne serais pas venue, c’est tout. Je m’énerve contre Régis et contre moi-même. Se foutre en rogne dans de telles conditions n’est guère recommandé. Évidemment, je me paye la congère suivante ; la voiture se plante et cale. — Voilà, nous voilà bien ! Nous aurions dû rester chez René.— Tu vas repartir de suite, saleté ! J’enrage. J’enrage tellement que je bondis hors de la voiture. Une bourrasque s’engouffre dans l’habitacle, au grand dam de Régis qui pousse des cris de vierge effarouchée. — ...
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